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Accueil du site > Littérature maritime > Les Beligoudins - aventures du capitaine Kerdubon > Grandes eaux turquoises, avec échappées Grecques 1984

Rubrique : Les Beligoudins - aventures du capitaine Kerdubon

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Grandes eaux turquoises, avec échappées Grecques 1984Version imprimable de cet article Version imprimable

Publié Juin 2019, (màj Juin 2019) par : Collectif Salacia   

Copyright : Les articles sont la propriété de leurs auteurs et ne peuvent pas être reproduits en partie ou totalité sans leur accord
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Mots-clés secondaires: navigation_divers , Traditions_cultures

NDLR : merci à “Kerdubon” capitaine, marin, conteur et explorateur...

Vers la table des chapitres

9 - Grandes eaux turquoises, avec échappées Grecques 1984


Avec la venue des beaux jours en Asie cette année-là, 1984, l’oiseau Béligou sentit ses ailes s’agiter. La venue de ses patrons pour la mi-Juin acheva de lui faire secouer ses plumes. Il fut réarmé pour sa course estivale et sortir de sa cage qu’était la marina de Küsadasi.

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Küsadasi
L’aéronef nous déposa à Izmir. Un taxi nous mena à Küisadasi. La Turquie sortant il y avait peu de temps de la dictature militaire, était encore dans sa période d’honnêteté.

Le taxi-driver craignant les foudre de la « tourist-police » encore efficace... ne nous assaisonna pas. Néanmoins, si on remarqua que la corruption et le bakchich étaient officiellement mal vus des autorités, on sentit cette année-là, un retour au naturel typiquement oriental chez les petits fonctionnaires.
La première chose obligatoire pour nos estomacs fut de faire le marché étonnamment achalandé et en général peu onéreux. Devant l’amoncellement de fruits et légumes, Madame commença par ce dont elle avait le plus envie... une karpouse ! Ces pastèques fraîches à cœur sous la cagna habituelle, sucrés et juteuses... étaient un réel délice.
La banque ne faisant pas de détail, avait changé nos francs contre des grosses coupures. Mon épouse tendit la plus petite... un billet de dix mille liras. Le vendeur des fruits à quatre sous n’avait évidemment pas la monnaie. Il se fâcha et refusa de vendre à madame la pastèque convoitée !
Un homme discret fila une pièce au paysan et remit la pastèque à mon épouse ravie ! Partout dans nos périples en Turquie, nous n’avons rencontré que des gens sympathiques en dehors des commerçants avides qui ne sont pas là pour s’amuser et des fonctionnaires de tout poil qui les années à venir ne rêveront que de bakchichs !

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  • Les touristes ne sont là que pour chier des dollars !... Nous dira carrément et sans ambages l’un d’eux qui parlait un Français… châtié.
    Note [1]

L’hivernage en eau avait été très bon, même si les batteries avaient rendu l’âme. D’autres plus puissantes furent achetées à peu de frais. On s’en tirait bien !.... Néanmoins, j’allais entreprendre de gros travaux sur la maison achetée à La Pallice. Il me fallait donc compléter l’apport de mes salaires (ne travaillant que six mois dans l’année). Il nous est donc venu l’idée de tenter une expérience qui mettrait du beurre dans les épinards : on allait prendre un couple en charters. En attendant également l’arrivée d’un cousin, on avait encore du temps devant nous avant que notre transit-log Grec, soigneusement gardé, ne soit périmé.

Virées à Pamukkale, Aphrodisias et Ephese

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Pamukkale
Les soirées en bande joyeuse, ne furent pas tristes, il faut dire qu’on retrouvait des amis perdus de vue depuis… Corfou, mais les virées furent encore mieux.
Un bus nous mena par Denizly à Pammukalé. Ce « château de coton » était une suite un peu magique, de vasques en cascades crées par la déposition des sels calcaires des eaux jaillissant à 53 degrés. Se baigner en eau moins chaude après son passage préalable dans de nombreuses autres vasques, était un régal malgré la vapeur et la buée... Nager dans les ruines d’un temple englouti avec ses colonnes et autres pierres sculptées… pour le moins étonnant. De la chambre de notre hôtel, on plongeait directement dans la piscine… amusant.
Pammukalé était les thermes de Hiérapolis sise à côté. Nous avons rôdé dans les ruines de cette ville Romaine, déplorant que la route nationale ait été tracée pour la traverser sans ménagement, laissant comme une cicatrice géante, qui tranchait également un peu de côté, la nécropole gigantesque.

  • C’est sûr qu’Eumène II le fondateur… doit se retourner dans sa tombe !
    • De quel énergumène tu causes ?
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Aphrodisias
Etant peu axés vers le tourisme les décennies précédentes, on aurait dit que les Turcs allant à l’essentiel à leurs yeux, avaient donc méprisé et détruit en grande partie, le passé Gréco-Romain précédent leur envahissement de cette région. Après tout devaient-ils se dire, ce passé ne nous concerne pas… rien à cirer ! note [2]

Nous sommes revenus par bus de la montagne où Pammukalé trône sur son plateau, puis avons pris un dolmuche, (minibus surchargés parfois jusque par-dessus le toit) et enfin un « stop », dans la voiture d’un boulanger qui nous laissa blanchis… à la farine, dans la cité d’Aphrodisias. La ville d’Aphrodite me sembla un site merveilleux. Il avait été complètement oublié et venait de sortir de son purgatoire grâce aux fouilles Françaises qui débutèrent dans les années 60. Elle était d’une richesse archéologique équivalente aux grands sites de Grèce.

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Ephèse
Nous ne pouvions quitter la région sans aller voir Ephèse, célèbre par les ruines en partie restaurées de sa bibliothèque, son théâtre et par ses… cabinets publics, où les anciens venaient non pas lire le journal, mais discuter avec leurs voisins, puisque la rangée de sièges en marbre, n’avait aucune cloison. Il paraîtrait que bien des affaires y furent traitées, dans un… soulagement général et public !... Sortant de là, j’avais pris ma dose de vieux cailloux pour un certain temps !

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Sigacik et Teos
Appareillage pour un galop d’essai dans le nord de Küsadasi.. On s’arrêta à Sigaçik. C’était un petit port sympa et calme. Cependant, chaque soir au coucher du soleil, des gosses défilaient avec leurs tambours et leurs longues trompettes de ramadan. Ils annonçaient à la population la rupture du jeûne et le ramdam… durait toute la nuit, nous y participions à notre façon.

Nous promenant dans la campagne voisine, nous tombâmes sur des ruines à présent bien répertoriées et visitées. A cette époque elles étaient inconnues, il y a tant de vieilles pierres plus importantes dans d’anciennes villes antiques, célèbres et fort connues ! En guise d’archéologues des vaches et moutons paissaient ou broutaient parmi les ruines, sans plus de souci que les paysans et citadins du coin.
Un paysan qui fauchait une parcelle de blé, entre les amas de pierres plus ou moins sculptées, sympathisa avec nous. Curieux de l’autre, il commença par demander si nous étions allemands. Découvrant que nous étions français, il nous mena dans ces ruines de Téos, vers un temple aux colonnes tronquées ou brisées, probablement dédié à Dionysos, en raison des pampres de vigne ornant des restes de frises, puis vers un odéon à demi enterré et dans un grand champ cultivé, où l’on pouvait deviner par endroits les gradins d’un théâtre dominant le site, avec la mer pour décor. Tout cela était enfoui dans deux mètres de terre riche et cultivée.

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Grattant au pied d’une muraille, il nous fit entrevoir son trésor constitué par des tessons et morceaux de statuettes. Ce type désolé, nous fit aussi voir comment le temps et les gens continuaient à dégrader le site. Allah lui-même n’avait rien à secouer de ces vieilleries… le gars en aurait pleuré, manifestement il était passionné et curieux du passé !
S’étant étonné de savoir que nous vivions sur un bateau, le paysan avoua n’être jamais monté sur une embarcation. Pour lui la mer était le symbole de tous les dangers, pire que les tremblements de terre, les éruptions volcaniques et même, les conséquences imprévisibles et horribles des envahissements par des hordes de sauvages venus d’on ne sait où ! je l’invitai à venir prendre un çaï, le thé traditionnel. Le soir même, au coucher du soleil à la rupture du jeûne, endimanché, il vint avec sa famille. Il restèrent béats et muets d’étonnement devant ce qu’il découvraient sur un voilier.
Si les deux gosses se contentèrent de regarder, la paysanne s’intéressa à la cuisine, et particulièrement au four, au frigo et à l’eau courante. La petite gamine, ayant un besoin pressant, fut surprise que nous ayons des toilettes… de Parisiens et non pas des cabinets… à la turque ! C’est sûr que les petites camarades d’école en entendraient parler !
La magie du polaroïd tirant leur portrait les laissa complètement stupéfaits. Les Turcs ne sont pas marins, tous les habitants de l’intérieur craignent la mer et par ailleurs n’étaient pris en photo que figés dans leurs habits du dimanche, le jour de leur mariage ! La famille ayant été réunie pour la pose, on peut être certain qu’aujourd’hui, si le temps ne l’a pas trop pâlie et si Allah leur prête vie, que la photo trône encore sur le buffet de leur salon.

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Pour tenir debout, il fallait nous restaurer, même si les Turcs ne restauraient pas leurs ruines. Madame Kerdubon s’y entendait pour ce travail, cependant nous « sortions » le soir. La « pizzéria Dédé » note [3] proche de la mosquée fut une découverte. En cette période de Ramadan, ainsi qu’en raison de la proximité du lieu sanctifié par Allah, malgré la tolérance régnant, il nous fallait quand même un certain respect des us et coutumes, donc ne pas consommer d’alcool. On acheta à l’épicerie notre sharap rouge, Il fut transféré dans une bouteille vide de coca-cola par l’épicier en personne et nous avons pu le siffler tranquillement avec une paille… Ce n’était guère pratique, j’en conviens, mais le plaisir était double, puisqu’à celui du palais, nous ajoutions le goût du pêché, ce qui réjouissait et honorait de toute façon Dionysos alias Bacchus… un autre dieu !
Le pinard n’étant pas la boisson habituelle, surtout en période de ramadan, il n’avait pas été vendangé la veille ! Il avait quelques années et pour un prix très modique… il était délicieux !

Pythagorion en Samos
Samos, plus exactement Pythagorion, l’ancienne Tigani, nous accueillit de nouveau. Officiellement nous arrivions d’Athènes via Kéa et Andros. L’Officier de port très service… service, m’avisa que le 9 Juillet, notre transit log expirait, qu’on devaient impérativement quitter la Grèce !

  • Mister Ducon... évidemment que je vais partir !... Cela ne vous fait rien de savoir que je vais obligatoirement dépenser mon argent en Turquie ?
    • Si vous ne partez pas avant le 10, je vais vous taxer très fort !... L’abruti ne voyait que le pactole représenté par la taxe… Il était prêt à sacrifier la poule aux œufs d’or !... Aucune discussion n’étant possible. La Grèce accueillante jusqu’à ces dernières années vidait ses marinas en obligeant les yachts a séjourner moins de 6 mois !… favorisant ainsi le développement des marinas Turques et la vidange des siennes.

Sur les quais, j’ai retrouvé mes trois copains pêcheurs, qui désarmaient leur caïque le « tria aderfos » (Les 3 frères), pour l’aménager avec des bancs, des hauts parleurs et une sono, afin de promener les touristes. Il fallut prendre… trois coups de samos en leur bonne compagnie.

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Un jour, madame et moi avions décidé d’aller visiter le kastro, (château) à l’ouest de Pythagorion, dominant la ville et le port. histoire de nous dégourdir les guibolles, de jeter un œil sur la bâtisse imposante bien conservée et admirer le paysage magnifique qu’offre l’Egée bleue en dessous, avec du mauve dans le lointain, sur les montagnes de Turquie. De facture récente, quoique Franque, le monument n’était guère intéressant, d’autant plus qu’on ne pouvait pénétrer à l’intérieur, mais de là, le point de vue valait un coup d’cid’ ! Le chemin le plus court faisait passer par le cimetière en escaladant ses petits murets.
Au retour, on escalada le mur du cimetière qui jouxte l’église sous le château. Une femme en noir était en prière, peut-être une veuve devant la tombe de son défunt mari. Entendant mon pas crisser sur les graviers, elle se releva et vint vers moi. Comment lui expliquer ma présence en ces lieux ? Sans doute se demandait-elle d’où je sortais… puisque de son endroit où elle priait, elle contrôlait le portillon et la grande porte du cimetière. Etais-je une création spontanée ? Une apparition diabolique avec ma barbe et mes cheveux longs, faisant comme des cornes sur le devant ?... n’étais-je pas en train de dissimuler d’une façon un peu gauche, ma queue fourchue derrière mon dos ?
Je parlais à peu près le Grec. Devançant ses questions, je ne sais pourquoi, je lui dis que j’étais un pope !... un pope venu de France, ce qu’elle comprit très bien. Elle se transfigura d’un sourire ravi et béat. Elle mit un genou à terre, saisit ma main, prit du sable terreux qu’elle versa dans ma paume et baisa le revers de ma main qui se vidait du sable.
Sans mollir, je l’ai bénie d’un grand signe de croix en murmurant les paroles sacrées que nous connaissons… « Au nord… au sud… à l’est et à l’ouest ! » Toujours béate, comme si je lui avais donné le Saint-Sacrement, elle me dit être l’épouse du pope. Elle saisit ma main et m’entraîna au presbytère.
En quelques mots, elle expliqua notre situation au pope, un vieillard vénérable qui avait une barbe entière bien plus fournie que la mienne. Il me donna sa bénédiction par un signe de croix de gauche à droite selon le rite orthodoxe, je lui rendis la monnaie de sa pièce en le bénissant de droite à gauche selon le rite catholique romain. Après un bref sermon où je compris que tous les popes du monde étaient frères en Dieu et devaient s’unir pour lutter contre le mal, il fit un geste en direction de son épouse qui avait compris et nous apporta chacun un…verre, ainsi qu’une bouteille de délicieux Samos… « Ya sou » ! (A la tienne) dit-il en riant malicieusement. note [4]

Le couple de loueurs et le cousin, arrivèrent le 8 Juillet… Il était temps, il aurait fallu appareiller immédiatement, mais les arrivants préféraient passer une nuit à Pythagorion, J’écoutai leur caprice. Grosse surprise, les loueurs arrivaient... à six !
C’est alors que se leva un vent très violent précédant quelques jours de meltem à venir, la mer au-delà des jetées était en furie.
L’Officier de port en jubilant avait déjà préparé les papiers et calculé la taxe lorsqu’il se présenta dès 8 heures le jour fatidique. Tout le monde de la pêche était sur le pied de guerre pour doubler ses amarres au quai et nous observaient. A bord, j’avais arisé la grand voile et endraillé le foc N°2 à la place du génois.

  • j’ai jusqu’à ce soir pour appareiller !
    • Impossible, en raison de la tempête le port est consigné jusqu’à demain, il faut donc payer maintenant !
  • Chacun son poste, démarrez la bourrique, larguez tout !... hurlais-je… et Madame détacha la dernière amarre tandis que le guindeau virait la chaîne. J’étais aussi déchaîné que les éléments, le combat allait avoir lieu !

Les voiles furent hissées, vent dans le cul, mon voilier appareilla et la jetée fut franchie avant que le pauvre Officier de port n’ait repris ses esprits ! Sous l’île, il n’y avait pas de grosse mer, par contre, gîté au maximum, le voilier vent de travers volait sur les courtes vagues crêtées de moutons blancs. Des nuages blancs semblaient ruisseler du sommet des montagnes de Samos... il n’y avait pas eu besoin de bouzouki pour nous faire danser sur la mer jolie ! Sortant de l’abri de la côte serrée de près, la mer était grosse, mais le voilier continua à tailler sa route. La force du vent diminuant vers l’heure de la méridienne, le ris fut ôté et la grand voile rétablie. En arrivant, à dix milles de Küsadasi, juste en face Samos en Turquie, le vent tomba d’un coup, comme tombe le mistral au large du viaduc d’Anthéor… la traversée s’acheva au moteur note [5]

Küsadasi
Le souk permanent de Küsadasi emballa les passagers. Transit-log Turc acquis, vivres frais achetés, le « Béligou » appareilla pour de bon le jour suivant. Dès notre approche du détroit de Samos, jusque bien après avoir contourné le Cap Burnu, extrémité ouest de la Turquie, on retrouva le coup de vent violent qui secouait toujours le port de Pythagorion. Peut-être que l’Officier de port courait-il encore après sa casquette soufflée par le culot des Béligoudins enfuis ! Il pouvait mettre ses imprimés là… où vous pensez, ainsi, ce ne serait pas du papier gâché perdu ! Vent arrière après le cap, on fila Sud... à 10 nœuds.

  • Quel sacrilège ont commis les Samiotes pour être ainsi punis par Eole ?
    • Probablement qu’il y en a un… qu’à du mettre de l’eau dans le vin !... On s’est tirés à temps, si çà se trouve dame… on aurait passé l’été à attendre que l’encasquetté lève la consignation de Pythagorion !...

Par provocation, on mouilla pour la nuit en baie San Yorgos dans l’île Gaidaro… dépourvue de port sérieux… donc d’Officiers. Note [6]
Les jeunes étaient étudiants en fac pour devenir profs d’histoire. Leur programme de l’année comportait justement Rome et son histoire. Ils auraient bien voulu voir Didyme et Millet, mais la baie Kovala où le voilier s’engolfa, était en plein coup de vent de Porias, (nom local du meltem). Le mouillage aurait été risqué. On en sortit et ils eurent du mal à digérer la chose. L’escale suivante se fit donc à Cukurçuk, une calanque bien abritée à l’entrée du golfe de Mandelyah.

Gümusluk

Les historiens ayant digéré leur déception, la course reprit pour traverser directement le golfe de Mandelyah vers sa pointe Sud Ouest qu’on longea sur quelques milles et le voilier prit son mouillage à Gümüslük emplacement de l’ex Myndus.


Les amateurs furent encore déçus, il ne reste aucune trace de cette ville antique, si ce n’est quelques bouts des murailles imposantes. Par contre, lorsqu’on monta sur la colline encerclant la baie, après avoir contourné les maisonnettes fleuries, d’une blancheur immaculée, au style… cubique local... étagées sur son flanc, le panorama de la baie super abritée, fermée par une presqu’île rocheuse formant chicane, était magnifique et paisible dans le soleil couchant. Au dessus et au delà, le porias soufflait comme activé par un forgeron dément, Vulcain en personne !
En redescendant par le village, on croisa une caravane de chameaux chargés comme des baudets. La caravane passa, aucun chien n’aboya !…. cette espèce animale était d’ailleurs quasiment invisible, à croire que les cabots sont mal venus… ou tabous. Etaient-ils tous passés à la casserole… ou bien comme le porc totalement absents ?… un mystère oriental !

Devant le village, il y avait les vestiges d’un môle antique en totalité immergé. Passant au large de cet obstacle, pour aller au fond de la baie, notre quille ne l ’avait pas raclé.

Bodrum
Le jour d’après, vent fort étant portant, le train était d’enfer, les jeunes adoraient la vitesse, même si elle retroussait les poils de mon menton.
On entra dans le golfe de Kos, en continuant à longer la péninsule turque, pour arriver à Bodrum et s’amarrer dans la marina après avoir passé devant l’extraordinaire château Saint Pierre des Chevaliers de Rhodes
Les amateurs de vieux cailloux n’avaient guère d’antiquités à se mettre dans le regard, car les pierres, même celles du tombeau célèbre du Roi Mausole, avaient servi à la construction du château des Chevaliers…. qui malgré tout datait.

La visite de ce château colossal aux 7 portes, de ses salles bien conservées, et la vue qu’il offrit du haut de ses remparts… donna tout de même satisfaction à l’équipe. L’amas d’antiquités (ancres amphores etc...) déposées en plein air malgré les intempéries (orages étésiens, pluies hivernales et vents décapants...) montraient le peu d’intérêt des autorités. Note [7]

  • Prochaine escale, je vous garantis de vieux cailloux à digérer !

A l’enracinement de la grande jetée Ouest du port, il y avait des chantiers de construction. Le travail était à l’ancienne, avec un outillage réduit. Il offrit du spectacle à l’amateur que je suis du beau travail artisanal, fait à l’herminette et à la varlope

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Cos
Délaissant la Turquie, notre voilier partit à Kos. L’île Grecque située une quinzaine de milles dans le Sud. J’y fis une déclaration d’entrée en Grèce et l’acquisition d’un transit-log, ce qui me donnait six mois de tranquillité avec celui des Turcs. J’étais clair pour les deux pays rivaux et… peu amicaux entre eux !
Cette fois, les futurs… historiens… furent comblés l’île d’Hippocrate n’étant qu’un ramassis de ruines dans de somptueux paysages.
La location de scooters par l’équipage, rendit les couples indépendants les uns des autres. Le tour de l’île, la visite des sites, des villages, (Kardamena) et autres lieux magnifiques, se fit à leur rythme sur leurs montures pétaradantes, d’Asclepios à la presqu’île de Kefalos dans l’extrême Sud Ouest de l’île.

Cnide

L a presqu’île de Resadiyé sépare le golfe de Kos de celui de Doris. Ce promontoire est une arête étroite s’élevant à plus de mille mètres. Il en dégringole parfois des vents déments, suite à à des échanges de température entre les deux golfes. Ces vents ajoutés au meltem posent des problèmes aux voiliers qui remontent vers le nord. Le « Béligou » sans doute bien aimé du Panthéon... n’eut que des rafales... de force 8 pour revenir en Turquie et atteindre Cnide (Bozuk liman) juste à la pointe de la presqu’île, derrière le Cap Deve, extrémité sud-est de l’Anatolie note [8]
Cnide où nous avions mouillé, était un endroit isolé... un bout du monde ! Une mauvaise route caillouteuse la reliait à Datça un bourg peu important vers l’est, mais lui-même relié à Mügla un assez gros centre, par une route meilleure quoique non goudronnée.
Comme beaucoup de villes antiques placées aux pointes de presqu’îles étroites, il y a deux ports, un au sud, fréquenté l’été et un au nord, fréquenté l’hiver, ceci pour être abrité des gros mauvais temps. Le port sud, circulaire, était ceint de deux jetées. Celles du port nord ont disparu et les débris joints à des blocs rocheux le rendaient impraticable.
La jetée ouest du port sud était visible sous deux mètres d’eau, de gros blocs rocheux la surmontant émergeaient à peine. Pour celle de l’est, complètement immergée, il eut fallu être scaphandriers pour la voir !

A peines l’ancre avait-elle fait tête que les jeunes bondirent bouiner dans les ruines antiques, tandis que gréant mon tramail, je me rendis vers le cap avec le zodiac, pour l’y disposer afin de choper quelques barbounis (rougets) à l’aube.
A part les vaches qui paissaient dans les ruines de la ville antique, il n’y avait plus rien à voir, les pierres étaient dispersées et les pans de murs sans inscriptions ni sculptures étaient rares et enfouis sous les ronciers. De retour pour le bain, le couple loueur se transforma en « hommes grenouilles » et décida d’aller tirer quelques poissons avec les fusils harpons. Ils revinrent de la pêche, enchantés de ramener un superbe mérou, et ravis d’avoir vu, une épave antique remplie d’amphores. Elle était plantée dans la jetée immergée à peu de profondeur.
Un pêcheur qui tenait une sorte d’auberge, proposa de cuire le poisson.
La messe célébrée au couchant du soleil, on partit à l’auberge en se léchant d’avance les babines. Après la salade d’entrée, la maîtresse de maison apporta solennellement le mérou… frit baignant dans l’huile !... Notre déception se dissipa après quelques lampées de sharap blanc bien frais. Toujours empressée, l’hôtesse, mit devant chacune des femmes un pot de basilic.

  • Téchékur… Merci Madame… c’est trop !

Afin de n’être pas en reste, j’ai sorti mon polaroïd... et le miracle des photos développées instantanément, se reproduisit sous les yeux ébahis de l’assistance. Le patron, et sa femme furent pris pour la postérité. Une jeune femme travaillant à la cuisine demanda par faveur d’être… tirée à son tour. Elle voulait la photo de son bébé afin de l’envoyer à son mari militaire quelque part dans l’Est de la Turquie. Il n’avait jamais vu son enfant et serait ravi. Les bouteilles défilant, l’ambiance montait. Le pêcheur mit de la musique pour que ses clients…dansent… Cependant, ce n’était pas tout à fait le genre des Béligoudins… aux pieds un peu palmés.
Lorsqu’on partit, les dames emportèrent leur pot de fleur. Des cris figèrent l’assistance, la maîtresse de maison voulait récupérer ses pots et le mari par délicatesse l’empêchait… ma Dame comprit tout à coup :

  • C’était pour nous protéger des moustiques !

L’aube débuta. Dans la semi pénombre, avec l’un de mes plongeurs on partit en zodiac. Il s’agissait d’aller récupérer le poisson pris dans le tramail avant que les grosses chenilles de mer, rouges et poilues, ne viennent casser la croûte. A l’extrémité d’un appontement fragile, deux militaires casqués discutaient et palabraient avec un pêcheur. Ils n’avaient pas l’air d’accord.
Le jour en train de s’établir, le ciel tout rose dans l’Est allait bientôt cracher l’astre solaire. Quelques barbounis, des rougets barbets communs, gisaient au fond du zodiac.
On finissait d’ôter les algues et autres saletés dégoulinantes et commencions à replier soigneusement le tramail, lorsque la barque du pêcheur surgit en pétaradant et les deux militaires pointèrent leur carabine vers nos estomacs. Etonnés, peu habitués à ce genre de manifestation hostile, on leva les bras… comme au cinéma, il ne s’agissait pas de faire le mariole avec plus con que soi !
Tandis que l’un des militaires gardait son fusil sur mon ventre, le doigt sur la détente… ce qui n’est pas rassurant, l’autre fouilla le zodiac et aidé par mon équipier souleva le tramail. De ses grosses godasses cloutées de troufion, il écrasa quelques poissons ce qui nous énerva. Ne trouvant rien à leur goût, les sbires, enfants d’Attaturk échangèrent deux mots puis repartirent dans leur barque réquisitionnée au pêcheur... qui ricanait.

  • Bye bye…gentlemen !... Comme qui dirait chou blanc !
    • Pas si bêtes Joachim !... Ils ont du nous voir plonger sur l’épave aux amphores hier, ils pensaient qu’on avait planqué notre butin, puisque nous n’avions qu’un mérou à notre retour, et croyaient que maintenant nous allions chercher… le trésor !

Lorsqu’on appareilla le petit déj avalé, on vit le pêcheur qui nous regardait, en levant les mains au ciel… sans doute en guise d’excuse pour la réquisition de sa barque. Un superbe ketch Danois prenait son mouillage,... le vent sifflait dans nos haubans... le périple continuait.

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Datca
Le même soir, nous étions cul à quai à Datça, au port de la baie Sud. Ce quai venait d’être terminé pour y recevoir les yachts, il était encore gratuit, on en profita
Simi
On quitta le golfe de Doris pour retourner en Grèce à Simy. La différence de mentalités chez les habitants des deux pays était tellement grande qu’on avait l’impression... pour caricaturer... de passer de l’austérité travailleuse chez les Turcs à la joie sans souci chez les Grecs... et cela nous réjouissait. Les religions si différentes s’ajoutaient aux mentalités. Elles avaient crée des haines éternelles qui empêchaient et interdisaient tout rapprochement ou mixité pouvant amener un progrès, voir une entraide entre sujets du Dieu unique lequel... s’il existe, doit bien rigoler de ces fourmis... démoniaques !
Le profond goulet encaissé entre les montagnes, au bout duquel se trouve le port, bordé de quais et appontements, était fort animé par quelques caboteurs en bois à l’énorme barre franche... à l’ancienne. Ils déchargeaient ou embarquaient planches ou ballots divers. Sur le côté nord, un chantier naval avait mis au sec l’un de ces navires et procédait à un changement de quelques bordés. Tandis que le « Beligou » bien amarré cul à quai en pleine ville, juste en face de la ruelle principale du village qui s’étale sur le flanc des montagnes cernant la ria ne risquait rien, je suis allé admirer le travail des charpentiers, habiles et forts... comme des Turcs !... En attendant, nous nous sommes précipités dans une taverne fraîche comme sa retzina, aux mets classiques et délicieux.

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Bozukale

Sortis de la ria, nous avons longé l’île bon vent arrière pour retourner en Turquie. Le Cap Karaburun franchi, on mouilla dan la crique Kalayi Koy à l’entrée ouest de la profonde baie Bozukkalé encaissée entre des falaises. Mes « mange pierres » auraient bien aimé visiter Lorima la ville antique sise au fond, mais faute de temps, on se contenta d’explorer l’importante la forteresse de Bozuk au dessus de nos têtes. Note [9]

Rhodes
Un saut de puce et mouillage à Serçé limani, une crique encore plus abritée. Le lendemain, d’un seul bord, vent fort aux fesses, arrivée à Rhodes (26 juillet) dans le port de Mandraki encombré comme pas possible. En passant les jetées, nous avons remarqué que le Colosse était toujours absent.

  • Lorsque les navires passaient entre ses jambes, j’espère qu’il avait un... caleçon !
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Ayant mouillé, j’ai culé pour envoyer une longue amarre à terre Nous étions en 3ème ligne. Sous la haute et grande jetée est coiffée de ses trois moulins... sans ailes ni voiles (à l’époque). C’était bien désagréable pour aller à terre, mais encore plus pour les deux pèlerins derrière moi... quoique nous n’ayons pas de... chaussures à clous ! En contrepartie, j’étais assuré de n’avoir pas de ligne de mouillage pardessus la mienne

Dans nos visites de la ville, le château des chevaliers... autre monument... colossal fut un temps fort

  • J’ai trouvé que l’appareil du château des Chevaliers était bien conservé !... ne put s’empêcher de proclamer une des... historiennes lors de la messe vespérale,
    • Tu parles !... ricana l’un des garçons… Le château a été entièrement restauré, quasiment refait par… Mussolini !
      Inspiré par le petit coup de retzina l j’ai déclaré à l’assemblée :
  • A part peut-être son histoire, Rhodes ne se raconte pas !... ça se visite !... Et j’ajoutai : çà se visite sans commentaires poussifs, ni poncifs, ni superlatifs… seulement sont tolérés les apéritifs !... Amen ! Après ces paroles, il n’y avait plus qu’à la fermer, sortir tire-bouchon et décapsuleur de la caisse à outils intelligents !

Un beau soir, on choisit un restaurant... un peu trop touristique, mais d’où la vue était des plus belles. C’était forcément après passage au Hammam où comme en Turquie Madame eut le privilège d’être savonnée, lavée et plus ou moins caressée par des commères curieuses de tout savoir sur la vie occidentale d’une étrangère... des exotes à leur façon !... sans que je manifeste de jalousie, vu que dans la salle des hommes, le masseur qui m’opérait faillit... tendrement... m’arracher un bras dans ses manipulations parfois acrobatiques.

  • Heureusement... dirent mes équipiers témoins... qu’il ne t’a pas brutalisé les jambes !..
    • Surtout la troisième !... ajoutais-je.

Le gastos était envahi de Teutons parlant d’autant plus fort que leurs marks reléguaient nos francs lourds au niveau de la roupie de sansonnet. Enfin un garçon débordé et épuisé prit nos commandes. Après avoir éclusé pas mal de crassi rosé et rouge de bonne qualité, nos assiettes arrivèrent. Rien à dire au sujet de la classique salade grecque, la surprise vint en contemplant les moussakas. Elles étaient truffées de frites froides !

  • Denn iné moussakas !... m’indignais-je auprès du garçon qui me répondit en bon français :
    • Si monsieur c’est de la moussaka... les Allemands l’aiment comme çà !....
  • Dans ce cas… commenta Madame… Il ne nous reste plus qu’à vous payer directo en markos !
    • Mais Madame !... Les boutiques affichent déjà leurs prix en marks ainsi que notre « menu » !

En franchissant la porte principale pour être intra-muros à Rhodes, une rangée de boutiques... disparues de nos jours... nous accueillait. Celle du photographe nous arrêtait souvent car des clichés datant des années mussoliniennes nous montraient un autre aspect de l’île. Evidemment nous sommes devenus pratiquement des copains avec l’artiste.


Notre copain photographe avait sa boutique, ou plutôt sa cabane à l’entrée de la rue principale, non loin de la magnifique « ippoton » rue des chevaliers, en face de l’ « auberge d’Auvergne » menant au Palais. Il vendait surtout des pellicules et développait celles en noir et blanc, les appareils numériques n’étant pas encore inventés. Entre deux clients, il saisissait ses haltères et son matériel de culturisme... corporel. Le Colosse disparu l’inspirait, il aurait voulu être aussi musclé et il faut dire que malgré ses soixante dix balais, il pétait la bonne santé et la pleine forme. Il n’avait pas que la langue de bien développée, mais des pectoraux et biceps à faire rêver un gringalet, il nous affirmait que certaines gretchen se laissaient séduire par sa prestance et appréciaient ses prestations. Je crois toutefois qu’il aurait pu s’asseoir parmi les pêcheurs au bout du quai... sur le banc des menteux !

Rhodes en scooter

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On loua des scooters pour aller à Lindos et faire le tour de l’île, afin admirer les sites ou panoramas spectaculaires, comme les ruines de Kamiros, la capitale antique, ou dans la montagne le monastère apaisant de Psinthos

Lindos
A Lindos, l’acropole, l’imposante forteresse, recèle le sanctuaire d’Athéna.des archéologues patentés fouillaient. Nous avions repéré une sortie non close après la fermeture du site vers les 18 heures. Mine de rien, on s’attarda une fois les touristes partis, ainsi que les fouilleurs professionnels. Sous les ruines des châteaux successifs, il y avait comme dépotoir, le tas d’ordures municipal des anciens… ayant précédé la première forteresse de pierre.

En grattant juste un peu, outre des tessons de poterie de facture mycénienne, Madame dont le flair n’était plus à démontrer, mit au jour, la partie inférieure d’un masque. Elle l’offrit à mon cousin qui bavait d’envie et devenait gaga en le contemplant. Quelques années plus tard, visitant à nouveau le musée d’Athènes, nous avons eu la surprise d’y trouver parmi les dernières découvertes… la partie supérieure. C’était du Mycénien, ainsi que l’affirmait la note affichée
Ma troupe débarqua pour aller reprendre ses études en fac. Le Mois d’Août était déjà entamé et je devais songer à repartir sur les cargos, car ma compagnie Française imposait ses dates. Ce n’était plus le bon temps des 6 mois 6 mois, époque du Royaume du Baroque, c’était maintenant 4 mois d’embarquement et deux mois de congés.

Marmaris


Meltem de travers, nous avons amené le voilier à Marmaris. Nous avions été tuyautés pour hiverner au sec à Tersane sur un des chantiers établis dans le fond de la baie. Ces nombreux petits chantiers lançaient tous à qui mieux mieux, des caïques de grosse importance, pour… promener les touristes de plus en plus nombreux. Il régnait au fond de la baie une activité débordante utilisant quelques centaines de charpentiers. Il y avait également dans ces chantiers, de la place pour mettre au sec en hivernage, les plaisanciers qui le désiraient, les prix étaient fort modestes. Ainsi s’acheva la croisière estivale du « Beligou » cette année 1984

Izmir en dolmüs (bus)
On rejoignit Izmir par bus. Tout le monde bien calé dans les fauteuils somnolait. Le kaptan... chauffeur à trois galons sur un bel uniforme fonçait dans la nuit, doublant camions lourdement chargés, charrettes non éclairées, au cheval cagneux, lorsque le ton des conversations monta d’un cran puis éveilla les passagers.
Des paroles fortement criées et une agitation certaine, nous tirèrent alors du sommeil qui avait fini de nous gagner. Madame et moi. Le type derrière nous s’était fait faucher son portefeuille !
Bientôt, tous les regards convergèrent vers nous… Il était évident pour ces gens simples, que le voleur ne pouvait être qu’un étranger non musulman par-dessus le marché… justement assis en face de sa victime !
L’assistant du chauffeur assis dans le fond du bus se leva et le kaptan finit par arrêter sa grosse bête dans un crissement des freins qui acheva de mettre tout le monde sur pied. Il alluma tout l’éclairage intérieur.
Tous les regards étaient pointés sur nous. L’allure de certains passagers était carrément hostile, on aurait dit que nous étions murs pour être lynchés ! Allait-on nous couper une main ?… l’intégrisme commençait à être en pleine résurrection au pays du Grand Turc !
Très digne le Captain qui caressait sa grosse moustache arriva et calma les gens, puis se penchant vers le gamin assis à côté de la victime du vol, fouilla sa poche et sortit le fameux portefeuille ! Il le remit à l’heureux propriétaire reconnaissant, gifla le gamin et le fit descendre du bus en pleine nuit dans la campagne peu habitée des montagnes du centre de la Turquie ou rôdaient encore des ours sauvages.
Nous avions quelques jours bien à nous avant de prendre le vol pour Paris. L’hôtel Babadan nous accueillit Le lendemain, bien reposé, je me rendis compte que j’avais oublié ma veste probablement dans le bus. Elle me manquerait à l’arrivée en France, c’était certain. Avant d’acheter une autre doudoune, nous sommes retournés à la gare routière. Mes explications furent écoutées et cinq minutes après, ma veste me fut rapportée sans qu’il manque quoi que ce soit dans les poches.
Le midi, on cassait la croûte avec des fruits jamais « calibrés » ni aux normes de chez-nous au point d’être insipides, mais ici délicieux et mûrs sans avoir jamais été ionisés ni avoir même passés en frigo.
Le soir nous allions au « restoran ». Un jour, madame Kerdubon consultant la carte dit au garçon : Two chickens ! Le serveur rigola et nous apporta deux poulets entiers et grillés ! Heureusement, les volatiles turcs n’ont pas grand chose à bouffer et n’ont que de la peau sur les os. De plus ils étaient de petite taille. Les autres dîneurs aux tables voisines étonnés, cessèrent de mastiquer et nous regardèrent comme des bêtes curieuses !

  • Nous allons tout manger pour ne pas avoir l’air de couillon !
    Ce qu’on fit suscitant l’étonnement des gens qui se contentaient d’une maigre assiette de légumes ou d’un bol fumant de soupe épaisse ! Le garçon ébahi par ce qu’il considérait comme un exploit nous apporta une pleine assiette d’amandes.
  • Kado from the boss !
    • Techekur, dis-lui qu’on ne prendra pas de dessert, seulement un café et l’addition !

Un autre soir, dans une gargote où aucun étranger n’aurait osé pénétrer, on dégusta… une tête de mouton grillée… un régal !

  • S’ils n’avaient pas ôté les yeux en la servant… je n’aurais pas mangé !
    • Pourtant, pitêtre que si…on les avait mangés, on y verrait plus clair !

On rôda souvent sur le port pour assister en curieux au déchargement des gros cabotous en bois. C’était un spectacle de voir l’équipage manœuvrer les palans du gros mât de charge en bois. Un porteur d’eau à l’outre et au costume caractéristique gagnait ses quelques liras quotidiennes en apaisant les petites soifs. note [10]

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Pergame
Un bus ordinaire nous emporta à Pergame. Les ruines étaient intéressantes, la campagne jolie. Note [11]


La montée de l’Islamisme intégriste était encore discrète. La république officiellement laïque tolérait certains péchés contre sa règle pure et dure, nous étions bien loin de la Charia. On trouvait donc sur l’artère principale de la ville, un bira salonu. Comme dans la bonne vieille Europe, on y servait à la pression de la bonne bière bien fraîche, avec faux col de mousse obligatoire.
Eprouvant le besoin de se désaltérer, une fin d’après-midi bien surchauffée, l’établissement enfumé nous accueillit. Le silence s’y établit aussitôt. On aurait entendu une mouche voler. Manifestement la stupéfaction figeait l’assistance des consommateurs, dont certains dans un geste seulement ébauché tenaient immobiles, leur verre mousseux a mi distance entre la table et leur bouche ouverte et muette.
Ma Dame était la seule femme présente dans cette assemblée de mâles… c’était pour tous l’événement du jour !… Petit à petit, la vie ordinaire reprit ainsi que le brouhaha des conversations plus ou moins discrètes. Nous profitions de la fraîcheur de nos verres, lorsqu’un garçon apporta des roses à madame de la part d’un consommateur qui courtoisement salua de loin.
Passant d’une foire exposition au château qui domine la ville, une famille curieuse de l’étranger... des exotes en quelque sorte... nous accompagna en nous faisant partager bien de leurs points de vue sensés...


Kerdubon


[1] ndlr : Joachim nous le fait à l’emporte-pièce, peut être un choc de cultures. Les turcs sont des commerçants dans l’âme. La discussion d’un prix chez eux prime sur la valeur du produit. A Finike, les mémés turques s’étonnaient de nos mœurs barbares… Pour elles, on ne va jamais sur le marché en matinée, mais en fin d’après midi, au moment de la remballe… Là, les marchands, sont plus souples. Alors, elles discutent longuement du prix des choses… Puis… du poids du kilo !!! Il y a des marchés fabuleux en Turquie, voir ce lien : http://www.plaisance-pratique.com/C...

[2] ndlr : Il faut se replacer aussi dans le contexte de la reconstruction de la Turquie moderne, après l’effondrement de l’empire ottoman. La conservation de ce passé historique, n’était pas prioritaire. Il le deviendra, quand les turcs se rendront compte du potentiel. touristique de ces sites. Il faut aussi noter que les grands sites archéologiques de Turquie, de Grèce et d’Italie, ont servi de carières faciles à piller. Ce qui sauvera Aphrodisias, envahi par une coulée de boue, et du coup sauvée de la destruction. On la retrouvera presque intacte

[3] ndlr : Dédé, en turc, c’est le grand père, l’équivalent de notre « pépé » quznd à la pizzéria, les turcs cuisinent d’excellentes « pide » l’équivalent des pizza italiennes.

[4] ndlr : Si Samos est connu pour sa production de vins blancs liquoreux, il existe un excellent vin blanc sec local : le Samena. A boire frais pour accompagner du poisson, voire, la pasta… http://samoswine.gr/fr/produit/samena/

[5] ndlr : il y a toujours du vent à Pythagorion, c’est lié à la topographie du détroit, coincé entre les hautes montagnes de la côte anatolienne, et la barrière constituée par Ikaria et Samos, exactement par le travers du meltem, sur plus de 60 milles de long. Le meltem s’évacue soit à l’ouest de d’Ikaria, soit entre celle ci et Samos, dans le détroit de Fournoi, soit par le détroit de Samos lui même. Ce lien : http://www.plaisance-pratique.com/I..., et la video superbe de Pierre Aubineau

[6] ndlr… Hé bah, non tout évolue, quelques années plus tard, en mouillage forain, dans la baie Ag Yorgos, justement, nous nous sommes fait siffler par un policier sur le quai, qui voulait que nous lui apportions nos papiers. J’ai refusé, en lui montrant mon pavillon français. Nous étions en Europe, il n’y avait pas de frontière !!! Les noms d’oiseaux ont commencé à voler, et je me suis enfermé dans le silence le plus profond. Une heure plus tard, on voyait arriver le bateau des garde côtes, aller récupérer sur le quai, la chef des services portuaires de gaidaros, pour venir me contrôler au mouillage. J’ai refusé de les laisser monter à bord (seuls les douaniers y sont autorisés). Et j’ai pu leur montrer mes documents, parfaitement en règles, y compris l’attestation de passage, la veille, à Pythagorion, d’où venait la vedette des gardes côtes !!! Et, ils sont repartis, la queue entre les jambes (sauf bien sur la chef de services portuaires de Gaidaros)

[7] ndlr... pas du tout Joachim, mais alors, pas du tout. Lorsque vous y êtes passé en 1984, les salles du phénoménal musée archéologique préhistorique maritime, étaient en travaux. Travaux qui ne seront terminés que deux ans plus tard, en 1986. Mais il faudra attendre encore un quinzaine d’années pour qu’ils en fasse, un des plus grand musée de ce type consacré à l’archéologie sous-marine. La plupart de ses collections datent de fouilles postérieures à 1960. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3...

[8] ndlr : Joachim parle du promontoire tropien souvent appelé à tort « promontoire dorien », ou « Epine dorienne » voir : http://www.plaisance-pratique.com/C....

[9] ndlr : cette forteresse a une histoire bizarre. En remontant à son passé pré historique, Lorima, bien protégé par sa grande baie poissonneuse, au débouché d’une petite plaine fertile, possédant de l’eau douce, a pu développer sa fortune. Bien qu’isolée, son roi pris de la folie des grandeurs, décide d’aller envahir la puissante Rhodes, toute proche. Bien sûr ce fut un échec, les troupes écrasées, le roi tué, et les quelques survivants revinrent piteux au village. Et la petite communauté se régénéra. Trois génération plus tard, décidément intenables, l’arrière petit fils du roi décida, fortune refaite, d’aller… Envahir Rhodes … et bien sûr, « bis repetita placent » nouvelle défaite des envahisseurs. Là, fatigués, lassés, agacés, les rhodanien prirent les moyens de calmer leurs voisins turbulents : ils firent construire à l’entrée de la baie, cette grande forteresse cyclopéenne que l’on voit toujours, non pas pour défendre Lorima, mais, occupée par une compagnie rhodanienne, pour surveiller les habitants de Lorima !!!

[10] ndlr : sur le même principe, ils distribuent aussi du thé, dont les turcs font une énorme consommation

[11] ndlr : Pergame est un joyau, et son théâtre probablement le plus impressionnant de la période hellénistique. Se souvenir aussi que c’est à Pergame qu’a été inventé le « parchemin » support qui a sauvé nos mémoires

UP


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1 Message

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  • Sur les tarifs annoncés par le commerçants turcs

    Nous ne sommes pas formés à leur mode de négociation. Pour eux, tout en finesse, le prix est une notion triviale. Et, tous comptes faits, quel est le prix des choses : la valeur médiane accordée à un produit, entre un vendeur et un acheteur.
    Dans notre contexte rationalisé, on ne discute pas, le prix c’est le prix, et si ça ne plait pas au client, il va voir ailleurs. Or pour les turcs, la négociation prime avant tout. C’est un art de vivre. Si on ne négocie pas, on se comporte sans savoir vivre… Et c’est souvent la porte ouverte à des appréciations clivantes : « ce marchand m’a pris pour un pigeon », opposé à « ce client n’a aucun savoir vivre »…
    La finesse peut prendre des détours étonnants. Sur le souk d’Antalya, où nos petits enfants souhaitaient acheter des vêtements à la mode, tous marqués, tous sous des marques falsifiées, je le avais prévenu : choisissez, et laissez moi négocier

    • deux jeans 60 lira (environ 20 euros à l’époque)
      • J’interviens : mais enfin ce n’est pas le prix, je les trouve bien moins cher sur le marché de Finike…
    • Ha… tu connais le marché de Finike…
      • Oui depuis 10 ans, je vis sur un bateau…
    • Ha… alors 30 lira !!!

    Et ainsi pour tous le produits, et il fallait contre argumenter ses arguments. Un de mes petits enfants, choisi un très beau polo

    • combien, dis je au commerçant
      • 80 euros !!! me répond t il
    • Mais, tu es fou !!!
      • Non dit il, je ne peux pas faire mieux, c’est un vrai…
    • Ok… on laisse tomber…

    L’Affaire se poursuit, avec une multitude de frusques à la mode tous faux, bien sûr. Arrive l’heure de l’addition… Addition que je négocie, en jouant sur l’âge de nos petits enfants et en argumentant sur l’image positive qu’ils ramèneraient de la Turquie, en France
    On fini par tomber d’accord, mais il avait fallu bien sûr accepter d’abord les nombreux thés offerts. Au moment de partir, après que je l’ai remercié de la qualité de sa négociation, il me rappelle… Tu oublies quelque chose !!! Quoi ??? Lui dis-je ??? Ça répond t il en m’offrant le fameux polo prétendument d’origine… Tiens… pour toi, cadeau !!!

    Bien sûr, il était faux, bien sûr il le savait et bien sûr, il s’était réservé un chute brillante…. Voilà ce qu’il faut comprendre si on souhaite négocier, en Turquie…

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