Pratiques et Techniques en Plaisance
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ndlr : Merci au capitaine Kerdubon de nous faire revivre sa découverte des eaux grecques et turques, à une époque ou les facilités aériennes que nous connaissons aujourd’hui ne les affadissait pas.
Ayant exploré pendant cinq ou six années à suivre l’ouest de la mer Egée, il me restait en exote jamais satisfait et avide de découverte des autres, la partie orientale comprenant bien entendu la Turquie. A Marmaris j’avais hiverné sur l’un des chantiers du fond de la baie qui depuis des générations lançaient à l’eau de magnifiques caïques. Ces chantiers séculaires qui faisaient vivre une foultitude de familles, ont été expropriés ; c’est à dire proprement indemnisés avec une poignée de pois chiches qui n’ont pas tous voulu cuire, pour qu’une grande banque turque puisse construire une marina qui emploie tout de même… quelques indigènes reconvertis. Quant aux rois de l’herminette et du minahouet… Allah seul sait ce qu’ils sont devenus, probablement maintenant enterrés avec leurs outils dangereux.… je vous en ai déjà parlé à propos de « la danse du brave Turc » c’était fin des années 70 début des 80.!
En ce printemps délicieusement doux et clément sur la côte turquoise, mon voilier venait d’être mis à l’eau et j’allais entamer ma saison de plaisancier décontracté. Sortis de Rhodes et autres lieux d’hivernage dont Bodrum, une poignée de gentleyachtmen étaient dans mon cas et la baie super abritée de Marmaris nous permettait d’achever nos préparatifs, les chantiers sachant rendre service à qui que ce soit. Malgré tout, nos amis charpentiers de marine, n’auraient pas donné un coup de marteau à tort et à travers à qui que ce soit vivant sur mer !
Le soir venu, la messe apéritive au raki achevée, nous allions en bande tirer une bordée chez Memmet. Nous aimions ce « restoran » pour sa qualité et son ambiance.
Notre ketch avait eu un bon hivernage en marina à Kusadasi sur la côte ouest de la Turquie en face de l’île de Samos. Les responsables nous annoncèrent une augmentation des tarifs démente pour l’hiver suivant. On aurait dit qu’après avoir amorcé la pompe par des prix bas, la banque propriétaire commençait à serrer le garrot autour du cou des gentleyachmen..... Les Grecs s’étant mis à taxer lourdement les plaisanciers séjournant plus de six mois dans leur beau pays avaient vidé leurs marinas, tuant ainsi une de leurs poules aux œufs d’or. Évidemment tout ce beau monde de la plaisance était accouru en face, c’est à dire chez « le grand Turc », même de pauvres milliardaires... Nous allions bien sûr voir ailleurs si l’on était plus accueillant.
Nous avons commencé notre croisière estivale en remontant vers le nord. Je ne vous raconterai pas nos séjours dans les délicieuses calanques, crique ou baies ; où seuls nous étions au mouillage, en allant jusqu’à Cesme, la partie la plus ouest de la côte en face de l’île de Chio.
Lors du retour vers le sud, de la famille à embarquer nous arrivant à Samos, le petit port de Sigaçik bien abrité et paisible avec ses quelques barques de pêche nous ouvrit non pas les bras, mais le passage entre ses jetées.
Nous étions en période de Ramadan. Peu de véhicules circulaient de temps en temps, en dérangeant les poules déambulant à la recherche de quelques insectes à picorer, notamment des grosses blattes chargées d’œufs dans leur poche ventrale. Les gens étaient calmes et lents, on aurait pu croire que nous étions en paix et c’était le cas... dans la journée, car les citoyens écrasés de chaleur et privés de boissons faisaient la sieste à l’ombre fraîche des habitations.
Notre copain pêcheur nous déclara sans ambages mais à voix basse que certaines familles et amis réunis, après avoir consommé des boissons qui normalement sont interdites par leur religion se livraient à de véritables bacchanales, les rites encore plus anciens que les obligations du prophète refaisaient surface comme au temps des anciennes colonies grecques.... Devais-je réellement croire ce menteux ?
Quittons le continent asiatique pour faite une virée dans les îles grecques.
Depuis plusieurs années que je faisais escale chaque printemps et automne pour quelques semaines à Pythagorion, le port sur la côte sud.
Ce jour-là, la joie régna dans le bourg. Tout le monde s’interpellait, et s’offrait un verre de samos bien frais. Il n’y a pas que l’aspro gliko (blanc muscat sucré) que nous connaissons en France Dans la rue principale ombragée de platanes et d’eucalyptus, des tonneaux étaient disposés sur des bers au frais des portes des caves ouvertes. Les uns comparaient la qualité, les autres vantaient leur production, le tout avec rires et chants, car une sono criarde avait été installée et les rebetikas ou sirtakis classiques se faisaient entendre dans les hauts parleurs dispersés au long de la rue principale du bled, au-dessus du port.
Les barriques imposantes dont la champlure laissait couler le divin nectar dans des brocs ou pichets, étaient loin d’être vidées avant que la liesse et l’ivresse ne soient générales.
En contrepartie, la musique de plus en plus… turque… aurait-on dit, devint de plus en plus folle, entraînée par un violoneux agile et doué comme le diable en personne. Lorsque le dernier convive partit, il ne resta plus que l’aîné des frères pour tourner et virevolter seul, les yeux au ciel…complètement déjanté. Un pas mal assuré… et notre ami s’écroula dans la poussière. Il nous pria de le laisser se reposer. Il paraît qu’il passa le reste de la nuit écroulé au pied de l’estrade désertée.
Les musiciens rangèrent leurs instruments… Quelle belle fête païenne !... Ya sas Tienou ! (à la vôtre... Etienne !)
Je ne me souviens plus dans quelle île au sud de Corfou se passa cette escale. Etais-ce Paxos, Antipaxos ou une autre ?
En tous cas nous étions mouillés avec le cul amarré à un petit quai. en ce tout début de printemps. Les touriste plaisanciers et flottillas n’étaient pas sortis de leur hivernage, nous étions sans doute les seuls étrangers dans cet endroit un peu isolé du monde.
ndlr : c’est bien Lakka, en Paxos, et Kerdubon aurait du mal à le reconnaître aujourd’hui
Après une longue remontée, il sortit de son puits un seau rempli d’eau glacée, contenant également une bouteille de retzina. qui se couvrit de buée lorsqu’il ôta son bouchon. Comment les anciens avaient-ils pu creuser si profond avec l’outillage de l’époque ?
La bicoque au ras d’une falaise dominant la mer de quelques centaines de mètres était certainement plus que centenaire. Outre la porte ouverte, une petite fenêtre laissait entrer la lumière dans l’unique pièce un peu obscure parfumée de l’odeur du feu de bois de résineux éteint sous les cendres dans une large cheminée.
Sur un navire que j’ai commandé, quelque temps après, l’équipage venant des quatre coins de l’Europe. Un de mes matelots grecs ayant des parents dans l’île du cénobite me conta la suite de l’histoire. Comme je ne croyais pas ce menteux, je me suis fait confirmer les événements par un graisseur demeurant dans l’île voisine. Je vous la raconte comme je l’ai entendue, suis-je aussi menteux que les Grecs du bord ?
qui l’avaient repéré et priaient pour qu’il se... convertisse, décidèrent de lui monter quelques douceurs après la retraite aux flambeaux de la Saint Spiridon patron du village et de l’île.
Il paraît que cette bacchanale se reproduisait à chaque pleine lune, cela aurait pu durer, sans la charité des bonnes dames patronnesses.
J’ai débarqué quelques mois après mon embarquement et je ne vous en dirai pas plus si ce n’est.... qu’en allant à Pérama quelques années après pendant une croisière d’été, non loin du Pirée, je suis passé par la baie de Salamine.
Une flotte considérable l’occupait. Ne croyez pas que la Grèce attendait une invasion d’un descendant de Xerxès, ces navires marinaient enchaînées cinq par cinq, ils n’espéraient plus un éventuel achat ou réarmement. La plupart étaient destinés à la ferraille.
Dans mes jumelles détaillant les multiples coques rouillées, que vis-je ? Vous l’avez deviné, le navire de monsieur Crapoulos que j’ai commandé !
Virant de bord je suis passé à côté. C’était triste à voir, j’aurais mieux fait de poursuivre ma route directe ! Qu’entendis-je ?.... La bacchanale que les rats faisaient à bord vu que son dernier chargement avait été probablement du grain en vrac.
Kerdubon.