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Publié Décembre 2011, (màj Janvier 2012) par : amuitz |
La question se pose dans l’optique d’un grand voyage, privilégier le catamaran ou le bon monocoque.
Sans prétendre avoir La solution, je peux apporter le regard de notre expérience de quelques années sur l’eau, en monocoque en premier puis le passage sur le cata.
Nous avons deux barres, une sur chaque bord avec vue sur la GV. Certes quand il pleut et que l’on veut barrer, on se mouille. La plupart des catas ont opté pour une seule barre située contre la cloison du roof avec un fauteuil pour être bien assis. C’est un choix financier surtout, car deux barres c’est tout un système de biellettes et renvois rigides, mais super pratique pour barrer du bon côté. Lors des manoeuvres de port, le fait de pouvoir se déplacer d’un bord à l’autre en passant d’une barre à l’autre est un plus important. On voit mieux le quai. N’oublions pas que le cata est large de presque 8 mètres.
Là rien de particulier pour nous, deux moteurs (neufs) de 40 cv Yanmar avec les derniers Sail Drive les SD50. Ils sont placés dans des coffres à l’arrière, dégageant totalement les énormes cabines arrière et isolant pas mal du bruit en cas d’utilisation motorisée. A l’origine il y avait deux fois 27 cv ce qui est suffisant pour les manoeuvres de port mais un peu juste pour faire route par vent de face.
L’entretien des moteurs est facile, on entre dans le coffre et on a accès à tout. Le seul souci c’est en cas de rupture d’une courroie, difficile de s’asseoir sur le moteur en pleine mer surtout s’il est chaud. Dans les monocoques cette opération de changement de courroie est plus aisée si le moteur est accessible en enlevant l’échelle de descente.
Nous avons opté pour un modèle qui cale 1,20 mètres doté de deux quilles conçues pour l’échouement. Le bateau se pose doucement en levant l’arrière afin de dégager les safrans et hélices. De cette manière on peu travailler sur les Sail Drive (vidange) anodes ou hélices sans devoir utiliser un travel lift couteux. Nous l’avons fait sans soucis. Ces deux quilles servent de plan antidérive et accueillent les deux cuves d’eau douce du bord, soit deux fois 350 litres placées sous la flottaison. Un confort énorme en navigation. Cette option a été abandonnée par Lagoon, c’est moins cher de placer des cuves sous la cuisine dans le roof, au risque de remonter les poids vers le haut.
Ce point est incontestable en faveur des catas, il y a de la place partout. La vie au mouillage est incomparable et on passe 90% du temps à l’arrêt, même nous qui bougeons pas mal...
Au début il faut s’habituer aux mouvements bizarres du bateau par mer formée. Par beau temps il file doux bien à plat. Par temps pourri avec mer croisée, comme souvent dans le Pacifique sud, mer d’est et houle de sud. Le bateau est branlé dans tous les sens mais ça passe bien. Par mer de l’arrière c’est super, rien ne bouge. On perd vite l’habitude de ranger les affaires avant de prendre la mer tellement les mouvements sont doux, sans roulis.
Nous avons un bateau lent et on ne tire pas dessus comme des fous, on voyage et nous privilégions le confort.
Cela dit, on est toujours autour des 8 noeuds des qu’il y a un peu d’air. Entre rien et 8 noeuds ça va vite. Pour aller entre 8 et 12 noeuds il faut plus d’air. Ce sont les accélérations qui peuvent surprendre. Nous avons mis une alarme sur notre GPS Furuno GP32 qui sonne des que la vitesse GPS (lissée et non instantanée) dépasse la limite indiquée. Souvent, la nuit dans les grains, on est rappelés à l’ordre, 12, 13, 15 noeuds, ça accélère et on ne sent rien dedans... il faut donc être prudents d’autant que la prise de ris n’est pas une mince affaire avec une GV de 75 mètres carrés.
Sous spi c’est facile, un bras sur chaque coque par vent arrière avec un symétrique, les asymétriques c’est comme sur les monocoques.
Erreur à ne pas commettre, prendre un trampoline « confort » fait de sangles serrées qui ne blesse pas les pieds comme le font les filets à noeuds. Nous avons explosé totalement un trampoline en pleine mer, la nuit par temps difficile, au large des Etats Unis. C’est de notre faute, nous avions laissé une planche à voile sur le trampoline bien fixée. Une vague à emporté le tout, planche et trampoline. La résistance de la planche à favorisé l’arrachage de l’ensemble que nous avons découvert au petit matin. Le nouveau trampoline est en filet à noeuds, c’est celui qui offre le moins de résistance à l’eau. De plus en plus les catas sont équipés de filets « confort » une aberration pour peu que l’on navigue au long cours.
Sujet inépuisable. Un jour un copain qui avait fait le Vendée Globe m’avait dit « quand je prends un ris c’est comme quand je rétrograde en voiture, je change de vitesse mais je reste sur la même trajectoire » . C’est pour se moquer des préceptes style Glénans qui demandent de se mettre face au vent avant de prendre un ris.
Nous, on reste sous pilote et suivons le même cap même au portant. La prise de ris est décomposée et assez facile car tout est au pied de mat. Il faut juste baisser la voile doucement en reprenant la bosse au fur et à mesure. Le fait qu’il n’y ait point de gite aide bien à la manoeuvre. On se mouille un peu parfois mais on tient bien. Même pour les ris la nuit c’est faisable. Dans ce cas j’éclaire avec une lampe la chute de la GV pour éviter qu’elle déverse et se coince contre les haubans.
Les lattes sont toutes reprises par des chariots Harken à billes avec d’autres chariots intermédiaires, toujours à billes. Sans cela il serait très difficile de descendre la voile sous pression. Finalement c’est plus dur physiquement mais grâce aux winchs de grosse taille, aux chariots à billes et au fait que l’on reste à plat on y arrive bien. Cela dit après une prise de ris je suis crevé pour 10 minutes au moins. Là encore les skippers du Vendée Globe prennent des barres chocolatées ou vitaminées quelques minutes avant ce genre de manoeuvre.
Nous en avons deux à bord, du Raymarine 7002 avec vérin électrique et cela tient bien. Certes ce n’est pas la ligne droite parfaite, mais tout ce que je demande au pilote c’est de suivre un cap et de barrer à ma place sans protester. Nous n’avons pas branché le pilote aux autres instruments du bord. Je préfère qu’il soit autonome même si je perds la fonction « vent ».
Probablement le point le plus négatif du catamaran.
A cause de son fardage élevé, le mouillage du cata est délicat d’autant que les lignes de mouillage sont légères et que les ancres sont souvent d’un échantillonnage insuffisant.
Lorsque nous avons acheté notre Lagoon 47 qui pèse ses 11 tonnes en charge voir plus, il était équipé d’une ancre Delta de 20 kilos (la même sue sur notre Sun Legend 41) et de 40 mètres de chaîne de 10. Nous avons changé la chaine pour passer à 60 mètres et pris une ancre de 25 kilos. Depuis nous avons souvent dérapé dans des conditions ou un monocoque n’aurait jamais bougé d’un poil. Il faut savoir que la longueur de chaine à bord ne correspond pas à la longueur hors du bateau.
La baille à mouillage est au pied de mat, il faut une dizaine de mètres entre le guindeau et l’eau. Pour remédier à ce problème, j’ai rajouté au bout des 60 mètres une ligne textile qui me permet de rallonger la longueur maximale de la chaîne. La patte d’oie est fixée au derniers maillons de chaîne ce qui améliore la tenue du mouillage. Je dois encore changer la chaîne qui rouille (4 ans) et je vais probablement passer à de la chaîne de 12 sur 50 mètres de longueur.
Il m’arrive parfois de mouiller sur deux ancres, vent fort et grains, je mets une ancre avec 6 mètres de chaîne fixée sur mon ancre principale. J’ai toujours eu de bons résultats. En Polynésie on mouille souvent par des fonds de plus de 15 mètres. Parfois le cata permet de s’approcher nettement du rivage et de ce fait de mouiller à l’abri des rafales, comme les dériveurs.
Le conseil que je donnerais, c’est de prendre une ancre nettement plus lourde que celle conseillée par les constructeurs et de ne pas hésiter à mettre de la chaîne. Pour mon cas, ancre de 35 à 40 kilos et chaîne de 12. On dort avec l’alarme mais on dort mieux.
Dernier détail, il est plus délicat de trouver une place pour un canot de 8 mètres de large par 14 de long que pour un monocoque de 15 mètres. La largeur est un élément à prendre en compte et il est difficile de mouiller en même temps que des monocoques sans les gêner, car on évite différemment. En fin, un cata équipé de quilles est moins volage au mouillage et ne tire pas « de bords » comme c’est souvent le cas avec les catas équipés de dérives.
Safrans suspendus sans aucune protection. Les bris de safran sont légion sur les catas. Nous avons remplacé les deux tubes de jaumière (gros chantier) pour remplacer les boitiers JP3 auto alignants. Une opération qui se fait une fois tout au plus dans la vie du bateau. Désormais on remplace les boules percées autoalignantes, opération rapide que l’on peut même faire sur l’eau, mais c’est un sacré boulot. Nous l’avons fait une fois au Panama. Il faut enlever le safran en évitant qu’il aille au fond et travailler sous l’eau. Nous l’avons fait en apnée, après tu peux aller chasser, l’agachon c’est plus cool...
inutile de se faire des illusions, le près n’est pas fait pour les catas. Même si à 55 degrés du vent par mer plate on file a 7 noeuds, des qu’il y a du clapot il faut abattre et on fait du 60 degrés pour faire une route acceptable. Certes on va vite et on reprend d’une main ce que l’on perd de l’autre. C’est une autre manière de naviguer, surtout par rapport au Sun Legend 41.
La encore c’est très moyen. On ne sent rien sur ces bateaux, sauf peut être au prés par 20 noeuds. La grande désillusion vient du manque de sensations, le voilier avance bien mais c’est tout. La barre est neutre, l’avant est loin, la GV moins réglable qu’en mono, c’est comme ça. On regrette par fois une bonne gîte à 20° à fond avec tout dessus. Les instruments, girouette et anémo sont indispensables pour bien régler le canot. Ce manque de mouvements fait que l’on se sente moins fatigué après une longue navigation, on se repose mieux, c’est nettement plus confortable qu’un monocoque même de grande taille.
Le danger c’est d’aller un peu trop sur des allures de vent arrière et de rester sur la fausse panne. Un empannage dans ces conditions serait synonyme de casse de matériel.
A d’autres occasion, dans des grains importants avec montée du vent à plus de 50 noeuds, nous avons testé en plein jour l’option de la cape sèche. On avait tout affalé, voyant à l’horizon la barre noire arriver sur nous. Là encore, le bateau s’est comporté comme un gros radeau qui glisse doucement sur l’eau. Les barres droites, il se met en travers à la lame, mais comme il est large, il passe doucement en créant un remou calme au fur et à mesure qu’il dérive.
Nous n’avons jamais pris plus fort mais on sent qu’il y a de la marge, surtout à la cape, heureusement me direz-vous. La ou cela peut être moyen, c’est en cas de coup de vent sérieux, au près, avec peu d’eau à courir...mais ce n’est pas une situation qui concerne seulement les catas. Certes dans ces conditions de mer, je préfère être à bord d’un bon quillard à grand tirant d’eau et qui plus est bon marcheur.
Notre voilier dispose d’une cuisine en bas, dans une des coques. C’est une excellente solution car elle plus au frais que dans la partie centrale et surtout en mer, cela bouge nettement moins. A contrario, il faut monter et descendre les marches, comme pour aller aux WC... En cata on ne vit pas tout le temps au rez de chaussée.
Nous avons fait fabriquer un bimini rigide qui récupère l’eau de pluie en abondance et nous protège du soleil et des intempéries. Autre avantage, il accueille des panneaux solaires, du coup nous avons largement de quoi même sans utiliser l’éolienne ou la génératrice de 5kwa. Nos 1000 ah de batteries sont presque toujours à fond. Il faut dire que l’on a gardé l’habitude de l’économie d’énergie à bord.
Dernier détail et non des moindres en voyage, les bossoirs sont idéaux. On remonte l’annexe avec son 15 cv sans même se poser de questions, on navigue avec normalement. Il n’y a que pour les grandes navigations que l’on enlève le moteur qui est accroché à son support que nous avons fabriqué sur la poutre arrière.
Sur notre dernier voilier nous avons pratiquement le maximum possible de ce que l’on puisse installer en matière d’énergie. Avec la moitié nous aurions largement assez.
Dans les Caraïbes et Pacifique sud, le seul soleil suffit à nos besoins. En navigation la GV cache une partie des panneaux situés sur le bimini mais l’éolienne compense un peu lorsque nous sommes assez près du vent. Une erreur à éviter, placer l’éolienne trop bas. Nous pensions l’avoir placée assez haute mais le lazzi bag est tellement gros et haut qu’il coupait pas mal le vent. Nous avons fait fabriquer un autre support plus haut. Les éclairages du bateau sont pour la plupart basés sur des leds, que ce soit en intérieur ou en feux de route. L’ordinateur du bord est un PC en 12volts sans ventilateur, il consomme peu. Comme sur tout autre voilier, c’est le pilote et le frigo qui consomment le plus. Le dessal tourne en 12v et fonctionne pendant les heures de pleine production solaire entre 11h et 15h pour utiliser le trop plein d’énergie.
La vie au mouillage, génial. Prévoir une grande cave car on reçoit les copains. Normal quand on dispose d’un cockpit tellement généreux. Les fêtes se font sur le Cata, les enfants peuvent jouer sans gêner les adultes. Seul bémol, au mouillage la tendance est de se retrouver entre « catas » ce qui ne nous va pas du tout. C’est un peu comme pour les propriétaires de Maramus, ils se retrouvent entre eux...
Heureusement on connait beaucoup de monde sur les monocoques. Un allemand que l’on avait rencontré aux San Blas en 2007 et qui nous avait fait visiter son cata fabriqué en Afrique du sud et qui partait en lambeaux, nous avait dit alors que l’on repartait sur notre Sun Legend, « salut et bon retour sur votre demi bateau ».
Un bon cata peut être un bon bateau de voyage pour peu que l’on prenne le soin d’acheter le voilier adapté au programme. Nous ne regrettons pas d’être passés vers le cata mais nous n’écartons pas la possibilité un jour de revenir vers un monocoque surtout si on navigue en Europe ou l’utilisation des ports de plaisance est presque obligatoire. Le coût de l’entretient est élevé, voiles coûteuses, deux moteurs, assurance etc...mais le confort est à la hauteur de l’investissement.
Enfin n’oublions pas que ce n’est jamais le bateau qui fait le voyage.
José Arocena http://sextan.com/rubrique.php3?id_... S’il y a des questions, je tenterai d’y répondre. Début mars 2012 nous repartons à bord de notre voilier qui se trouve dans les Tuamotu pour poursuivre notre route vers l’Ouest. |