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Rubrique : Livres

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Les solitaires de légendeVersion imprimable de cet article Version imprimable

Publié Février 2012, (màj Avril 2012) par : Sergio   

Copyright : Les articles sont la propriété de leurs auteurs et ne peuvent pas être reproduits en partie ou totalité sans leur accord
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J’avais envie de vous parler de ces personnages hors du commun, à la fois navigateurs et explorateurs, qui ont été les premiers à boucler un tour du monde à la voile en solitaire. Certains sont connus, d’autres ont sombré dans l’oubli.

La manière dont ils mènent leur circumnavigation montre bien que leur tempérament, leur connaissance de la mer, leur motivation, étaient fort différents, mais tous avaient en commun d’être heureux au large, en complète symbiose avec la mer et leur bateau.

Qu’est-ce qui pousse un homme (ou une femme) à s’embarquer, seul(e), pour un tel projet ? Un défi vis à vis de soi-même ? Peut-être. L’envie de découvrir des horizons nouveaux ? Sans doute. En fait, je crois que ceux qui sont partis ne se sont pas posés de questions, ils ont répondu à un appel plus fort que tout, irrésistible...

Un tour du monde à la voile est-il toujours une aventure de nos jours ? Il est évident qu’un tel projet ne comporte plus les mêmes risques, ne représente plus ce plongeon vers l’inconnu, mais il continue à faire rêver les hommes !
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Joshua Slocum (1844-1909) et son Spray

« Partout où nous nous trouvions, mon bateau et moi, les jours passaient, légers et joyeux... » (J. Slocum)

  • Joshua Slocum est le premier homme à avoir effectué le tour du monde à la voile en solitaire.

Issu d’une famille de marins, Joshua Slocum voit le jour en Nouvelle Ecosse, sur la côte atlantique du Canada. Il tire ses premiers bords dès l’âge de huit ans. Il embarque comme cuisinier sur une goélette de pêche alors qu’il n’est qu’adolescent. Puis il appareille comme simple matelot sur un trois mâts en partance pour Dublin. A 25 ans, il est commandant d’une goélette qui relie San Francisco à Seattle.

Sur les différents navires qu’il commande, Joshua Slocum va tout connaître : son mariage, un naufrage, la naissance de trois de ses enfants, une mutinerie, une épidémie de variole, le décès de son épouse.

Les bateaux à vapeur prenant définitivement le pas sur les grands voiliers, Joshua va se retrouver sans emploi. Il a 48 ans lorsqu’un ami lui donne un bateau à l’état d’épave. C’est en partant de cette coque que, bordé par bordé, membrure par membrure, Joshua Slocum va donner vie au Spray. Après treize mois de labeur et pour un prix de revient de 553 Dollars, le voilier est prêt à prendre la mer. Joshua dira que, de l’ancien bateau, seuls subsistaient trois ancres, un guindeau et une sculpture placée en tête de proue.

L’étrave, la quille, et les membrures sont taillés dans un chêne abattu sur place. Le bordé est réalisé en pin blanc de Georgie pour être ensuite cloué sur des jambettes de chêne ; lisses et bordés sont calfatés au moyen de petits coins de cèdre. Joshua voulait un bateau capable « d’étaler n’importe quel temps dans n’importe quelle mer ». Le Spray était si bien équilibré qu’il était capable de naviguer des centaines de milles sans que son capitaine n’ait à toucher la barre. Des Etats Unis à Gibraltar et jusqu’au Brésil, le Spray est grée en sloop. A Porto Angosto en Amérique du sud, Joshua raccourcit le beaupré et le gui et ajoute un tape-cul, ce qui transforme le Spray en yawl.

Le tour du monde de Joshua par Magellan a duré trois ans et deux mois, d’avril 1895 où il part de Boston, à juin 1898 où il rentre discrètement à Newport. De son récit ressort une étonnante modestie, pourtant il fourmille d’anecdotes savoureuses, lorsqu’il raconte par exemple comment les « sauvages » qui l’attaquent la nuit dans les canaux de Patagonie sont repoussés par les clous de tapissier qu’il a placés sur le pont pendant son sommeil.

Le 14 novembre 1909, à 75 ans, Joshua Slocum appareille avec son cher Spray. Il sait que la tempête souffle au large de Vineyard Haven. L’homme et le bateau disparaissent.
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Littérature : Seul autour du monde sur un voilier de onze mètres
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Le Spray :

  • C’est un côtre marconi de 11,20 m. hors tout.
  • Maître bau : 4,32 m.
  • Tonnage brut : 12,71 t.
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Harry Pidgeon (1869-1955) et son Islander

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  • Harry Pidgeon est le deuxième après J. Slocum à effectuer un tour du monde à la volile en solitaire.
  • Il est le premier à réaliser deux tours du monde.
  • Il est le premier à effectuer un tour du monde à la voile en passant par le canal de Panama.

Il voit le jour en 1874 dans l’état du Iowa au coeur des Etats Unis. Harry « veut voir du pays ». A 20 ans, il part pour l’Alaska. Il pêche, il chasse et s’adonne à sa nouvelle passion : la photo. C’est là qu’avec des camarades il construit ses premiers canots. Lors d’une descente du Yukon particulièrement périlleuse, l’un de ses compagnons se noie.

En 1917 il s’installe à Los Angeles pour gagner sa vie en travaillant dans l’industrie d’armement. Ce n’est qu’à 45 ans qu’il entreprend la construction de son bateau qui s’appellera « Islander ». Le chantier va durer dix-huit mois. Dans ses moments libres il apprend la navigation astronomique par les livres. Il embarque comme équipier pour parfaire ses connaissances maritimes.

Le 18 novembre 1921, à 47 ans, il part de Los Angeles pour une découverte du Pacifique sud : Cinq mois aux Marquises, les Tuamotu, puis Tahiti dont il tombe éperdument amoureux. Il pousse ensuite à l’ouest vers les Samoa, les Fidji et les Nouvelles Hébrides. L’Océan Indien lui ouvre ses portes par le détroit de Torres. Ce n’est que là qu’il décide de poursuivre le tour du monde et de rallier la Californie sur son Islander. Parcours classique : Les Keelings, l’île Maurice, la Réunion, Cap-Town.

Après des escales à St Hélène et à l’île de l’Ascension, il est abordé par un cargo. (L’imprudent a omis d’installer l’AIS à bord). Il répare avec des moyens de fortune. Il passe Panama et rallie Los Angeles quatre ans après l’avoir quitté.

En 1932, à 58 ans, repart pour un deuxième tour du monde, « tranquillement », d’escale en escale, mais cette fois accompagné de deux jeunes femmes. Il reviendra en 1937.

Agé de 73 ans, il repart pour un troisième tour du monde mais cette fois avec son épouse, car depuis, notre vert navigateur s’est marié. Malheureusement ce voyage est écourté car il perd son Islander dans un cyclone aux Nouvelles Hébrides.

Il meurt à 81 ans alors qu’il construit un nouveau bateau, le Lakemba pour, dit-il, partir pour un nouveau tour du monde...
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Littérature : Around the World Single-Handed : The Cruise of the « Islander »
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L’Islander :

  • Longueur : 10,36 m
  • Maître bau : 3,28 m
  • Tirant d’eau : 1,59 m
  • Déplacement : 11,50 t
  • Quille en plomb de 3 t + lest intérieur de 3 t
  • Architecte : L’angalis Thomas Feming Day
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Alain Gerbault (1893-1941) sur le Firecrest :

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La flamboyante personnalité d’Alain Gerbault tranche avec celle de ses prédécesseurs. Bien que pilote débutant, il s’engage dans l’aviation au début de la guerre de 14. A 23 ans c’est un as reconnu avec plusieurs victoires enregistrées en combats aériens. Après la guerre, il devient champion de tennis. Las de cette vie, il achète en Angleterre un ancien voilier de course, le Firecrest, qu’il convoiera avec l’aide d’un anglais par le golfe de Gascogne et le canal du Midi jusqu’à Cannes où il prépare son bateau, tout en continuant à disputer des tournois de tennis.

Il part pour le grand voyage le 25 avril 1923 et, curieusement, entreprend de traverser l’Atlantique par la route nord. Il fait escale dans l’île de Nantucket et arrive le 15 septembre devant Fort Totten. Cette première traversée fait couler beaucoup d’encre. Alain Gerbault la raconte avec une verve toute méditerranéenne. En fait il n’a couvert que 50 milles par jour, son bateau était mal préparé, ses voiles et le gréement en mauvais état. Mais il l’a fait !

Il laisse son bateau aux Etats Unis et effectue plusieurs voyages entre la France et l’Amérique pour modifier son Firecrest. Il remplace son vieux gréement de côtre franc par un gréement Marconi. Il installe un mât et un beaupré neuf en pin d’Orégon. L’aménagement est repensé pour mener à bien son projet : Faire le tour du monde.

C’est parti le 1er octobre 1925, mais le 5 octobre il entre en collision avec un cargo. Il est immobilisé plusieurs mois. Il franchit le canal de Panama le 2 avril et séjourne à Balboa environ deux mois. Le solitaire met ensuite le Cap sur les Galapagos qu’il n’atteindra que 37 jours plus tard (900M). En décembre, il est aux Marquises et en mars à Tahiti. En août il est à Wallis et Futuna où il s’échoue. Aidé par toute la population et la Marine Nationale, il parvient à remettre son bateau en état après quatre mois de travail. Il est dans le détroit de Torres le 26 mai et au Cap en février 1928. Il arrive triomphalement au Havre le 26 juillet 1929.

Le 4 juin 1931 est lancé le « Alain Gerbault » qu’il a financé avec ses droits d’auteur. C’est un cotre à l’arrière norvégien de 10,40m, 3,20m au maître bau et de 1,70m de tirant d’eau. Le navigateur a fait don du Firecrest à la Marine Nationale. Lors de son remorquage du Havre à Brest par la Marine Nationale, il est sérieusement endommagé et coule.

Mais la Polynésie lui manque. En 1932, il reprend le voyage et arrive à Tahiti en 1935. Il se passionne pour la culture polynésienne et choisit Bora-Bora comme port d’attache.

La deuxième guerre mondiale va bouleverser sa vie. Il milite pour le régime de Vichy. Le ralliement de la Polynésie à de Gaulle l’oblige à fuir. Commence alors un vagabondage dans les îles du Pacifique sud. La malaria, l’alcoolisme, l’épuisement ont raison de lui. Il meurt dans un hôpital du Timor oriental en 1941. En 1949, ses cendres sont transférées par un aviso de la Marine Nationale à Bora-Bora. Sa tombe est toujours bien visible au centre du village de Vahitapé.
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Littérature : Il a écrit plusieurs ouvrage, le plus connu étant « A la poursuite du soleil » qui relate son premier voyage des Etats Unis à Tahiti
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Le Firecrest :

  • Longueur HT : 11 m.
  • Maître bau : 2,60 m.
  • Tirant d’eau : 1,80 m.
  • Quille en plomb de 3 t + lest intérieur de 3 t
  • Architecte : L’anglais Dixon Kemp
  • Année de construction : 1892 aux chantiers P.T. Harris de Rowhedge
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Vito Dumas (1900-1965) sur son Legh II

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  • Vito Dumas est le premier à effectuer un tour du monde à la voile en solitaire par les hautes latitudes.
  • Il est le premier à doubler le cap Horn et à en revenir vivant.
  • Il est le premier à l’avoir fait en seulement quatre étapes, soit au total 20 420 milles nautiques (37 800 km) parcourus en 272 jours :
    • Montevideo - Le Cap en doublant le cap de Bonne-Espérance : 4200 nautiques (7 800 km) en 55 jours.
    • Le Cap - Wellington en contournant l’Australie et la Tasmanie par le sud : 7400 nautiques (13 700 km) en 104 jours.
    • Wellington - Valparaiso : 5200 nautiques (9 600 km) en 72 jours.
    • Valparaiso - Mar-del-Plata en doublant du premier coup le cap Horn : 3200 nautiques (5 900 km) en 37 jours.

Il nait en Argentine, à Bueno Aires, en septembre 1900. Sa famille, d’origine française, est de condition modeste. Il vit de petits travaux mais dévore des livres qui parlent de mer, de tempêtes, de pirates. C’est un sportif accompli, il pratique la boxe, l’athlétisme et surtout la natation de haut niveau.

Vito se rend en Europe pour l’exposition coloniale de 1931. Les affaires sont devenues prospères. A Arcachon, il achète un ancien 8 mètres J.I. d’une vingtaine d’années qu’il baptise le Legh, ce qui signifie : Lucha, Entereza, Hombría, Grandeza, soit en français : lutte, fermeté, honnêteté, grandeur. Vito Dumas est un fervent patriote. Il aime se dépasser « pour le sport et la Patrie » ; tout comme nos footballeurs d’aujourd’hui quoi...

Il grée le Legh en yawl et le prépare tant bien que mal, plutôt mal, à une traversée océanique. le 12 décembre 1931 il quitte Arcachon. Le bateau est difficile à manoeuvrer, il fait l’eau de toute part. Mais le Legh et son capitaine arrive Bueno Aires où il est accueilli en héros national.

Vito Dumas retourne travailler la terre mais les images du grand large le hantent. En particulier celle de son ami norvégien Al Hansen qui a péri en mer après avoir passé le Horn. Il l’a fait, lui ! Il lance alors la fabrication du Legh II qui ne sera mis à l’eau qu’en 1934 car la situation financière de notre argentin s’est dégradée. Il navigue localement quelques années et constate que le Legh II est bien le bateau qui convient à ses projets, mais, complètement ruiné, il est obligé de le vendre.

En 1942 la guerre fait rage. Vito Dumas veut repartir, mais les hommes sont devenus fous et se livrent à des duels à mort sur quasiment toutes les mers. Il mûrit alors le projet d’une circumnavigation par les quarantièmes rugissants pour « éviter les mauvaises rencontres ».

Il rachète le Legh II. Des amis, des clubs sportifs l’aident à armer son bateau. Il part le 27 juin 1942 en plein hiver austral. Après avoir essuyé un coup de vent sévère juste après son départ, il met le cap sur l’Afrique : 4000 milles, beaucoup de mauvais temps. Alors qu’il tente d’étancher une voie d’eau il se blesse au bras. La plaie s’infecte, son bras enfle, il envisage une auto amputation, il perd connaissance. Mais finalement l’abcès se résorbe, il survit. Le 24 août il est au Cap. Grâce aux dons d’amis, il parvient à remettre le Legh II en état et repart le 14 septembre.

Il fonce sur la Tasmanie, abat jusqu’à 183 milles en 24 heures ! Il atteint la Nouvelle Zélande en 101 jours. Il a couvert 7400 milles sans escale dans une mer extrêmement dure.

A près cinq semaines d’escale, c’est reparti pour 5400 milles. Il est projeté dans son cockpit et se luxe deux côtes. Il touche Valparaiso, l’histoire dit qu’il s’offre une bringue monumentale. Il ne lui reste plus que 3000 milles, une broutille pour lui, mais le Horn est devant lui.

Il appareille le 30 mai 1943, traverse des tempêtes, un calme plat, le 25 juin il a passé le Horn. La remontée sur Mar del Plata n’est qu’une formalité. Il atteint Bueno Aires au mois d’août. 22 000 milles en quatre étapes.

Il meurt d’un AVC en 1965.
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Littérature : Il a écrit plusieurs ouvrages. « Seul par les mers impossibles, André Bonne Éditeur, 1958 » a été traduit en français.
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Le Legh II :

  • Ketch bermudien à arrière norvégien.
  • Longueur HT : 9,55 m.
  • Maître bau : 3,30 m.
  • Lest en fonte de 3,5 t.
  • Tirant d’eau : 1,75 m.
  • Le grand mât ne mesure que 9 m, c’est celui de son bateau précédent, il date de 1913.
  • Bout-dehors de 2,50 m.
  • GV de 20 m2, Artimon de 7,15 m2, Trinquette de 7,50 m2, Foc de 7,60 m2 soit une voilure totale de 45,25 m2
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Louis Bernicot (1883-1952) sur l’Anahita

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  • Louis Bernicot sera le deuxième français et le quatrième homme à boucler le tour du monde en solitaire.
  • C’est un professionnel de la mer, qui fait construire un bateau spécialement conçu pour cette navigation.

Il est originaire de l’Aber-Wrach en Bretagne et poursuit des études pour être capitaine au long cours. Il deviendra commandant sur les derniers grands voiliers de la Compagnie Générale Transatlantique. Il « fait » la route par le Horn entre la Nouvelle Calédonie et la France.

Retraité en 1934 à 51 ans, l’inactivité en Dordogne lui pèse, il décide de concevoir un bateau pour faire le tour du monde. Bernicot est un professionnel efficace, perfectionniste, qui ne laisse rien au hasard. En début d’année 1936, il charge le chantier Moguerou à Carantec de construire un bateau qu’il a lui-même imaginé et dessiné. Il en prend livraison en août. Il dira : « Il était gracieux, pivotant paresseusement sur ses ancres par un beau soleil d’août ; il semblait me dire : eh bien, qu’attendons-nous ? »

Il part de Carantec le 22 août 1936. Dès le départ la barre de l’Anahita est très dure. Le bateau a une forte tendance à partir au lof. D’après ce qu’il explique ce n’est « qu’un problème de jeunesse, les brides sont légèrement trop fermées pour la mêche du gouvernail ». Il répare à Funchal de Madère et largue les amarres avec la volonté de manger des milles. La grand voile donnant des signes de faiblesse, il en fabrique une nouvelle plus solide.

Il arrive à Mar del Plata en Argentine et refuse toute invitation en prétextant la fatigue. En fait il a horreur des mondanités. Le 22 décembre il reprend la mer et passe le détroit de Magellan. Notons que, sans le savoir, il suit la route de Joshua Slocum.

Il est dans le Pacifique, dérive longtemps avant de trouver les alizés. Il relache à l’île de Pâques et aux Gambiers. A Tahiti, il avance le mât du côtre pour avoir une meilleure stablité de route.

C’est ensuite la route classique, passage du détroit de Torres, les Cocos, les Keelings, l’île Maurice, la Réunion. Le 6 novembre 1937, il arrive à Durban en Afrique du Sud. Le cap de Bonne Espérance est passé en fuite dans du gros temps.

La remontée de l’Atlantique se fait sans histoire. Le 30 mai 1938, à deux heures du matin, il passe l’entrée de la Gironde et mouille discrètement dans le petit port du Verdon sous la pointe de Grave.

C’est la fin d’un tour du monde sans histoire.

En 1945 il emmène son fils au Gabon avec... l’Anahita. En 1952, il désarme le bateau comprenant qu’il ne naviguera plus. C’est là qu’il trouve la mort en tombant de son mât. D’autres sources indiquent qu’il est décédé à la suite d’un cancer.

Littérature : La croisière de l’Anahita

L’Anahita :

  • Côtre marconi de 12,50 m avec une petite timonerie fermée où il installe une roue doublant la barre.
  • Maître bau : 3,50 m.
  • Tirant d’eau : 1,70 m.
  • Bôme à rouleau et trinquette bômée.
  • Petit moteur avec un réservoir de 45 l.
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Jacques-Yves Letoumelin (1920-2009) et son Kurun (Tonnerre en breton)


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Le Toumelin voit le jour à Paris le 21 juillet 1920 de parents bretons. Son père est capitaine au long cours, commandant de trois-mâts.

Jacques-Yves se voit mal travailler pour « gagner sa vie ». Les études ne l’inspirent pas plus que le travail. Il échoue à l’examen de Navale ainsi qu’à celui de la Marine Marchande. En 1942, Il embarque sur un l’Alfred, chalutier en partance pour la Mauritanie.

L’un de ses premiers bateaux, le Tonnerre, est détruit par les allemands à St Nazaire. La guerre passe, de 1946 à 1948, il suit la construction du Kurun. Il s’inspire des plans de Colin Archer, le bateau est entièrement ponté. Il sera en grande partie payé par les dommages de guerre.

Le grand départ a lieu au Croisic le 19 septembre 1949. Durant la traversée Las Palmas-les Antilles il tombe en panne d’alizés et arrive en Martinique le 2 juin 1950. Il poursuit sa route à l’ouest, passe Panama, fait route sur les Galapagos, puis les Marquises où son équipier, Paul Fargue, le quitte.

Il franchit sans escale les 3800 milles de Bora-Bora à Port Moresby. Durant cette traversée, il subit un chavirage dans un fort coup de vent. Il passe Torres et s’arrête aux Cocos. Il est à Durban le 4 décembre. Il passe le Cap des Tempêtes par des vents de force 10 à 11.

Il remonte l’Atlantique sans problème et, le 7 juillet 1951, il est de retour au Croisic. Son bateau est en parfait état, à tel point que certains douteront de son exploit. Le breton a su mettre au point un bateau à toute épreuve, faiblement mâté, véritable coffre-fort. Il a suivi la route la moins risquée en tenant compte des saisons cycloniques.

En 1954, Il ira de nouveau aux Antilles sur le même bateau, toujours en solitaire.

Il conclut son livre ainsi : « Malgré mon bonheur de retrouver mon pays et les miens, malgré la joie de l’heure présente, je sentais déjà, en amarrant mon petit côtre, que cette traversée n’était pas un retour définitif au port. C’était une escale... »
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Littérature : Kurun autour du monde.
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Le Kurun :
Gréement de côtre à corne
Longueur HT : 10 m.
Maître bau : 3,55 m.
Tirant d’eau : 1,73 m.
Lest : 1900 Kg
Déplacement : 8,4 t.
GV : 38 m2. Trinquette : 9 m2. Foc : 11 m2. Flêche : 12 m2
Architecte : Dervin
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Marcel Bardiaux (1910-2000) et « Les 4 vents » :

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« En ce qui concerne ma franchise, je m’imaginais candidement que c’était une qualité… Tout cela et bien d’autres choses aussi prouvent qu’il vaut encore mieux se mouiller les fesses en mer que de se salir à terre… » (Marcel Bardiaux)

  • Marcel Bardiaux, c’est un esprit farouche, un tempérament et une condition physique exceptionnels.
  • Il est le premier à passer le Cap Horn d’est en ouest en solitaire sur un voilier de 9 mètres en plein hiver austral.
  • C’est 40 traversées dont la dernière à 88 ans.
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Le père de Marcel Bardiaux est tué les derniers jours de « la Grande Guerre », sa mère est obligé de le confier à un orphelinat. A onze ans il s’échappe et cherche à embarquer sur un grand voilier au Havre. La police le ramène chez sa mère. Le décor est planté.

Durant la deuxième guerre mondiale il est fait prisonnier et s’évade deux fois avant d’être repris.

Marcel trouve un exutoire à sa vitalité avec le canoë. Il va parcourir toute l’Europe en pagayant, sur le Danube, la mer noire, la mer Egée. 11 000 Km à la pagaie. Il devient champion dans ce sport.

Mais il rêve de grand voyage. A la fin de la guerre, il achète en librairie les plans de ce qui sera plus tard Les 4 vents. Il le fait construire en modifiant considérablement les plans : Les lignes d’eau sont allongées, le pont et le roof renforcés. Plus tard, l’architecte Henri Dervin aura du mal à reconnaître son bateau.

Il part le 21 octobre 1950, âgé d’une quarantaine d’années. Après une escale aux Canaries, il relâche à Dakar. Il traverse et arrive à Rio de Janeiro après vingt huit jours de mer. Ses rencontres sont tumultueuses, son caractère tranchant. Il visite le Brésil et en mars 1952, « descend » sur le Horn. Il étale de forts coups de vent, son voilier est culbuté par les grosses déferlantes du Grand Sud.

Mais rien n’arrête le farouche navigateur, le Cap Horn est passé le 12 mai 1952. Par la baie de Nassau, il met le cap sur Ushuaïa.

Il emprunte les canaux de Patagonie, passe Chiloé et arrive à Valparaiso où il va passer plusieurs mois pour remettre Les 4 Vents en état. Il poursuit la grande boucle par Tahiti, la Nouvelle Zélande et s’échoue sur les coraux en Nouvelle Calédonie.

Puis c’est le retour « classique » si l’on peut dire par le Cap, le Brésil, les Antilles, les Bermudes. Il fait escale à New York où il y reçoit la prestigieuse « Blue Water Medal », décernée par le Cruising Club Of America pour l’exploit maritime de l’année, puis c’est le retour à Paris en 1958.

Mais il n’a pas l’intention d’en rester là. Le bouillant navigateur fait construire un ketch de 15 mètres complètement en inox. Il l’a voulu à son image : Indestructible. Avec ce bateau, il va boucler un tour du monde sans escale en 229 jours, à peu près dans les temps de Sir Francis Chichester quelques années plus tard. Cela représente une performance car Inox n’a rien d’un bateau de course.

Il continue à naviguer, inépuisable. A 84 ans, il essuie un cyclone force 12, en 1996, à 86 ans, Inox est pris dans une tempête dans les eaux canadiennes et jeté à la côte. Son rêve de devenir le premier navigateur solitaire centenaire s’écroule. Il effectue tout de même sa quarantième et dernière Transat à 88 ans. Il finit à Redon dans l’anonymat.

Formidable Marcel Bardiaux !

Littérature : Aux 4 Vents de l’aventure.

Les 4 Vents :

  • Sloop bermudien de 9 m. HT
  • Maître bau : 2,70 m.
  • Architecte : Henri Dervin.
  • Déplacement : 4 t.

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Francis Chischester (1901-1972) sur les Gipsy Moth

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  • Sir Francis Chichester est un homme de défi. Aviateur et marin, la notion de performance sera présente dans tous ses projets.
  • Il est le second navigateur après Vito Dumas à boucler un tour du monde à la voile en solitaire dans le sens ouest-est.

Né en Angleterre dans le Devon, Francis Chichester quitte le Royaume-Uni après ses études et s’installe en Nouvelle Zélande. Il est d’abord passionné par l’aviation. Dans les années 20, déjà en solitaire, il tente plusieurs records de vols de distance à partir de la Nouvelle Zélande vers l’Australie, puis vers le Japon.

Il s’intéresse aux bateaux à partir de 1954 et participe activement aux régates du RORC. Il gagne sa première course à 60 ans. En 1958 ses médecins diagnostiquent un cancer des poumons. Qu’à cela ne tienne, en 1960 il apprend par hasard que Blondie Hasler organise une course en solitaire entre l’Angleterre et les Etats Unis. Ce sera la mythique Transat anglaise. Francis Chichester s’inscrit sur Gipsy Moth III et gagne la course. Les quatre premier sont anglais. le 5ème est un français, un certain Jean Lacombe, sur un Cap Horn.

Pour la seconde édition, en 1964, le navigateur anglais compte bien réitérer son exploit en battant son propre record. Mais cette année-là, une longue coque noire s’est lancée sur l’Atlantique nord. Elle porte le nom d’une petite mésange à tête noire. A la barre : un jeune officier de Marine français qui a le génie des bateaux, la tête dure et des biceps d’acier. Eric Tabarly sur son Pen Duik II arrive largement premier à Newport. Zorro a débarqué dans le circuit, plus rien ne sera comme avant ! Derrière lui, quatre anglais. Chichester est second. Le 9ème, Lacombe a couru sur un Golif... Lacombe devait disparaître en mer quelques années plus tard.

A l’issue de cette Transat, Chichester se désintéresse de la course au large mais recherche toujours de nouveaux défis. Il décide de s’attaquer au record de la « Route de la laine » que suivaient les grands clippers du siècle dernier. Il fait construire le Gipsy Moth IV. Le 27 août 1966, il se lance à la poursuite des clippers. Cent sept jours après il est à Sydney. Les clippers mettaient entre cent et cent vingt jours sur le même parcours.

Après une escale de quarante sept jours, c’est le retour vers l’Angleterre en passant par le Horn. Nous sommes le 28 mai 1967. 266 jours pour faire le tour du monde d’ouest en est par les caps, avec une seule escale à Sydney.

Chichester est anobli par la reine avec une épée ayant appartenu à Francis Drake (le premier Anglais à avoir fait le tour du globe).

En 1970, il tente de parcourir 4 000 milles nautiques en 20 jours sur Gypsy Moth V. Il échoue d’une journée.

Âgé de 71 ans, alors qu’il sait qu’il est gravement malade, il s’engage dans la transat anglaise de 1972 sur Gipsy Moth V, une coque de 17 mètres. La maladie s’aggrave en mer, il est contraint de revenir sur Plymouth. On le sort couché du bateau, il ne se relèvera plus. Il meurt le 26 août 1972.

André Gliksman disait que Sir Francis Chischester était homme à déambuler en ville avec son éternelle casquette et ses vêtements de mer, et à revêtir son smooking en haute mer pour fêter son anniversaire.

Very British ! Chapeau bas !

Littérature : Il a écrit de nombreux ouvrages. Le seul qui ait été traduit en français à ma connaissance est : « Le tour du monde de Gipsy Moth ».

Gipsy Moth IV : Longueur HT : 16,50 m.
Maître bau : 3,20 m.
Tirant d’eau : 2,36 m.
Déplacement : 11,6 t.
Voilure au près : 127,30 m2
Matériau : Bois moulé.
Chantier : Camper et Nicholson
Architecte : John Illinworth
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Sergio
http://sergeetdomi.blog4ever.com/bl...

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11 Messages de forum

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  • 12 mars 2012 10:41, par Carthage écrire     UP

    Eh ben après ça !!!
    Formidable, cet article sur tous les « grands ». C’est passionnant de pouvoir comparer leurs parcours. Il me semble aussi qu’il y a une évolution marquée des états d’esprit au fil du temps : Slocum et Pidgeon, par exemple, sont partis pour ... voir ailleurs si la mer est plus verte (si je puis dire), alors que Le Toumelin et Gerbault me semblent avoir fait des voyages intérieurs. Ou est-ce simplement qu’on a mieux admis, plus tard, de parler de soi-même ? Cette juxtaposition amène des tas de questions ! A garder précieusement et à relire.
    Je suis ravie en particulier des détails sur le Cdt Bernicot : j’avais lu les pages que lui consacre Jean Merrien (dans « les navigateurs solitaires », un livre passionnant), qui m’ont donné grande envie de lire « la croisière de l’Anahita ». Envie décuplée maintenant !
    Merci pour ce superbe travail,
    Hélène

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  • 4 septembre 2012 13:11, par Koala-5 écrire     UP

    Super, merci Sergio.

    Il nous reste Kurun, qui est au Croisic et sur lequel j’ai eu le plaisir de faire une petite sortie.

    http://www.amisdukurun.info/

    JPEG

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    • 4 septembre 2012 13:49, par Sergio écrire     UP     Ce message répond à ...

      Bonjour Kaola,

      Belle histoire que celle des amis du Kurun ! Les connais-tu ? Sais-tu s’ils accepteraient de faire l’objet d’un « Echo du Web » ?

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    • 5 septembre 2012 10:30, par yvesD écrire     UP     Ce message répond à ... Animateur

      Le Croisic, c’est aussi la patrie de (Pierre ?) Bouguer, géographe et physicien du 18ème siècle qui a participé à l’expédition des « savants au Pérou » pour mesurer la longueur de l’arc de cercle à l’équateur et constater que la sphère est bien aplatie au pôle (« pour éviter que les océans ne se concentrent à l’équateur »). Il est surtout l’inventeur (ou le formalisateur) des déviations de la verticale du fil à plomb à proximité des montagnes ou au voisinage de zones de roches plus denses (basaltes affleurant issus d’ancien fonds océaniques...) utilisées de nos jours sous le nom de « anomalie de Bouguer »

      Et un très très chouette musé de maquettes navales au Croisic (dont plusieurs Kurun, bien sur)

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    • 15 mars 2013 18:06, par Négofol écrire     UP     Ce message répond à ... Animateur

      Un point de détail assez drôle, rapporté par JY Le Toumelin dans son livre : Dervin, l’architecte du Kurun, ne pensait pas son bateau capable de tenir la haute mer car trop petit et avait tenu à noter sur les plans : yacht de pêche : un pêche-promenade, quoi !
      Une autre époque...

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  • 19 septembre 2012 23:29, par Patricereal écrire     UP  image

    Merci pour ce condensé qui pousse la curiosité et l’envie d’aller voir plus loin !

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  • 15 mars 2013 19:12, par ernestpt écrire     UP  image

    Sympa qu’il remonte. Super article Sergio !

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  • 20 décembre 2013 19:34, par moetai écrire     UP  image

    J’avais lu tout ça avant de partir mais je ne connaissais pas l’existence de Inox merci

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  • 20 décembre 2013 20:26, par Koala-5 écrire     UP

    Pour « les 4 vents » de Marcel Bardiaux, j’ai trouvé des photos et pages de récit de sa construction, dont j’ai fait ce petit document.
    Il y a entre autres les plans de ce fameux bateau.

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