Vous avez le projet de partir en grande croisière mais vous vous posez beaucoup de questions concernant vos enfants ? Rassurez-vous vous n’êtes pas les seuls, c’est même le principal problème des parents futurs navigateurs, bien avant le choix du bateau.
Voici donc quelques éléments de réflexion tirés de notre expérience personnelle pour y voir plus clair.
Dans quelles conditions partir ?
- La décision de partir doit être une décision collégiale, enfants inclus, et si possible prise à l’unanimité, surtout avec des ados. Il est très important de prendre l’avis des enfants et d’en tenir compte. Mais il ne suffit pas de leur demander s’ils veulent voyager. Il faut leur expliquer comment se passera ce voyage car, quelque soit leur âge, ils ne peuvent pas vraiment se représenter leur future vie.
Il faudra leur exposer les bons côtés (le voyage, la découverte des lieux, des animaux et des gens) mais surtout insister sur les mauvais (voire les exagérer) pour être sûr qu’ils les accepteront : tu quitteras tes amis et ton école, tu devras travailler seul, tes parents seront tes professeurs et tu devras suivre leurs consignes, tu feras peu de rencontres sur les autres bateaux et du devras changer d’amis à chaque escale.
Car ces faits sont à peine exagérés : la vie en bateau pour un enfant c’est ça ! Sans compter qu’il devra faire ses devoirs pendant que ses parents sont en vacances (du moins le croît-il !). Mais que de belles choses en contrepartie !
Quel âge pour voyager
- J’aurais tendance à dire qu’il n’y a pas d’âge pour voyager. Cependant très jeune (en dessous de 5-6 ans) ils ne profiteront pas pleinement du dépaysement, mais ils s’ouvriront aux autres ainsi qu’aux langues étrangères.
La limite supérieure est bien sûr l’année du bac. S’il est possible de suivre une scolarité normale à bord grâce au CNED jusqu’à la terminale, pour les études supérieures il faudra trouver une autre solution. Certains rentrent au pays avec leurs enfants, d’autres se sédentarisent à proximité de l’endroit où l’enfant fait ses études, certains continuent le voyage pendant que l’enfant poursuit ses études ailleurs.
Si vous voulez que vos enfants profitent du voyage il faut donc partir bien avant le bac, le plus tôt étant certainement le mieux. En effet dès la pré-adolescence ils risquent de s’enfermer dans la routine d’un cercle d’amis et de ne pas avoir envie de le quitter, ne sachant pas ce qu’ils ratent !
Planifier son parcours avec des enfants
Naviguer avec des enfants ajoute des contraintes dans la planification des escales et du parcours. En plus des contraintes de calendrier et de météo vous pouvez d’ores et déjà ajouter celles-ci :
- se trouver dans un endroit desservi par une poste correcte (ou près d’un correspondant) pour recevoir les cours du CNED en début d’année ;
- être dans une ville où se trouve un lycée français centre d’examen pour passer les examens en cours de scolarité :
- diplôme national du brevet, ex brevet des collèges,ex BEPC
- épreuves anticipées du bac
- épreuves finales du bac
Ceci en principe au mois de juin. L’inscription ayant lieu en octobre, vous devez donc savoir en octobre où vous vous trouverez en juin de l’année suivante (et y être sans faute !) ;
- privilégier les étapes courtes. En général les enfants goûtent peu les traversées. Ils n’ont qu’une hâte, c’est de se dégourdir les jambes à terre et rencontrer des jeunes de leur âge.
- prévoir des escales relativement longues ou du moins pas trop courtes pour qu’ils aient le temps de se faire des amis et qu’ils puissent en profiter. Généralement les seuls enfants rencontrés qui n’appréciaient pas le voyage et à qui il tardait de rentrer en France étaient sur un bateau qui s’arrêtait 2 jours ici, 3 jours là, pas plus. C’est le meilleur moyen de les dégoûter du voyage.
- Certains bateaux ayant des enfants du même âge qui sont devenus amis choisissent de faire route ensemble pour faire perdurer cette relation. Les occasions n’étant pas si fréquentes, ils ont sans doute raison.
La vie en traversée
La vie à l’escale
La sécurité des enfants
- à bord
En plus des règles applicables aux adultes, il faudra prendre des mesures complémentaires à moduler en fonction de l’âge des enfants :- pose de filets dans les filières si l’on a des enfants en bas âge
- port systématique du gilet de sauvetage dès que l’enfant sort dans le cockpit
- port systématique du harnais avec longe si l’enfant participe à la veille dans le cockpit et peut être amené à rester seul.
Dès que la corpulence de l’enfant le permet les gilets autogonflables avec harnais intégré seront beaucoup plus pratiques à l’usage et donc mieux tolérés et acceptés. - le gros temps :
Si vous avez bien planifié votre navigation, en commençant avec des étapes courtes et une bonne couverture météo, le risque de rencontrer du gros temps devrait être très réduit. Lorsque l’équipage, et surtout les enfants, sera plus aguerri vous pourrez envisager des navigations plus longues où la probabilité de rencontrer du gros temps ne sera pas négligeable. Mais vos enfants sauront déjà comment se comporte le bateau, comment se déplacer et ne pas avoir peur. Néanmoins il sera préférable pour eux de rester à l’intérieur, de les rassurer. On pourra aussi leur donner un anti-nauséeux de type antihistaminique (Nautamine, R Calm) qui a aussi un effet sédatif bénéfique. - l’évacuation du navire
En chef de bord consciencieux vous avez prévu bien sûr une procédure d’évacuation du navire. Mais avez-vous bien pensé à inclure vos enfants dedans, à donner à chacun une fiche avec la liste des tâches à effectuer et des consignes à respecter en cas d’évacuation ? Un briefing familial est nécessaire pour expliquer à chacun son rôle et s’assurer que tout le monde a bien compris ce que l’on attend de lui. Ce sera aussi l’occasion de dédramatiser et d’expliquer aux plus jeunes que dans ce cas-là « on change de bateau ». N’oublions pas que la panique est le principal facteur aggravant des accidents. - les problèmes médicaux
Il faudra bien sûr inclure dans la pharmacie du bord des présentations adaptées aux enfants. Pensez aussi à faire le plein de crème écran total, de Biafine. Lisez aussi cet article très intéressant : Gérer la douleur chez les enfants loin des secours
Et n’oubliez pas de lire aussi : L’assistance médicale en haute mer
L’appendicectomie (ablation de l’appendice) en prévention de l’appendicite :
Ce sujet mériterait un article à lui seul. Les avis médicaux sont partagés quand aux rapport bénéfice/risque de l’appendicectomie préventive car elle n’est pas bénigne.
Après avoir lu ces débats, voila l’option que j’ai prise sachant que ni moi ni ma fille n’avons été opérés de l’appendicite :
L’appendicite en elle-même n’est pas grave. Le danger est une extension locale de l’infection conduisant à une péritonite. Cette infection peut être contenue pendant une dizaine de jours par la prise d’antibiotiques adaptés. Le cas où nous serons à plus de 10 jours de la terre ou de la portée des secours va se produire uniquement lors de la transat pendant quelques jours au pire. Nous sommes donc partis avec une provision d’antibiotiques pouvant couvrir 2 à 3 semaines de traitement et c’est tout. Mais à chacun de se forger sa propre opinion et de demander plusieurs avis autorisés.
Comment ça se passe avec le CNED ?
- Difficile de généraliser. Tout dépend bien sûr du cycle suivi et des capacités de l’élève. S’il n’a pas naturellement des facultés d’organisation et de travail en solitaire, il devra les acquérir. Ce qui de toute façon lui sera profitable s’il reprend une scolarité classique ou pour les études supérieures.
Le niveau du CNED est élevé et le programme chargé. La masse de travail à fournir est donc importante et il importe de bien définir les horaires journaliers à consacrer aux cours et ne pas prendre trop de retard.
Pour les parents, en plus de devoir faire le tuteur, il n’est pas évident de devoir houspiller son enfant pour qu’il se mette au travail. C’est aussi une contrainte qu’il faut intégrer dans la vie quotidienne : peut-on se permettre d’aller visiter l’intérieur du pays pendant une semaine alors qu’il faut rattraper le retard pris lors de la dernière traversée ?
- Dans la pratique : Relaté d’après le fonctionnement du CNED entre 2005 et 2011. L’informatisation de l’enseignement à distance progresse et il se peut que les méthodes aient évoluées depuis ce temps. Espérons-le car le CNED n’est (n’était ?) pas très adapté aux voyageurs itinérants.
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- Pour le lycée : là, plus de rythme imposé : il faut avoir terminé les trois quarts du programme début mai, sous peine de redoublement. En 2007 et 2008 nous avons pu télécharger les 3 premiers cours de chaque matière sur internet et en 2009 l’année complète. Gros avantage : ne pas attendre la réception de cours papiers (même s’ils sont quand même envoyés) et pouvoir commencer l’année le plus tôt possible. Prévoir par contre une imprimante et un stock de feuilles et de cartouches d’encre.
Il a été possible de renvoyer les devoirs par internet, et même les devoirs oraux au format mp3 ou ogg ! Par contre, interdiction de scanner les devoirs écrits. Ils doivent tous être saisis sous Word avant l’envoi. Tous, y compris les maths et la physique avec leurs belles équations à saisir à l’aide de l’éditeur d’équation de ce logiciel. Conséquence : compter entre 3 et 4 heures de saisie uniquement pour un recopier un devoir. Vu le planning très chargé des classes de première et terminale, devinez qui saisissait les devoirs ?
- Les examens : le CNED n’assure pas l’inscription aux examens. Vous devrez vous adresser à l’attaché culturel de l’ambassade de France du pays dans lequel vous passerez l’examen. En général celui-ci vous renverra vers la personne chargée des examens dans le lycée français centre d’examen qui effectuera avec vous ces formalités.
Attention au passage de l’équateur : le calendrier du CNED est celui de l’hémisphère nord (septembre à juin). Les lycées français de l’hémisphère sud fonctionnent de mars à décembre et organisent donc les examens en décembre ! - les livres : théoriquement obligatoires, ils sont chers, lourds et invendables d’occasion. À notre avis on peut s’en passer car il y a tellement de chose maintenant sur internet.
- autorisation de l’inspecteur d’académie pour scolariser vos enfants aux CNED : elle est obligatoire et il faut la demander chaque année tant qu’ils ont moins de 16 ans pour pouvoir s’inscrire en classe « à inscription règlementée ».
Retour d’expérience personnelle :
- L’école à bord est une contrainte. Relativement légère en primaire(bien que nécessitant la présence permanente d’un parent pour les cours), elle devient sérieuse au collège pour devenir très lourde au lycée, surtout en première et terminale. La compétence des parents est alors en principe indispensable.
En terminale particulièrement, le programme officiel est énorme et le CNED bien sûr obligé de tout traiter, à la différence d’un professeur qui fera des choix. Commencer l’année scolaire mi-septembre (au mieux) et la terminer début mai relève de l’exploit, surtout dans les conditions du voyage. Cette année fut pour toute la famille très éprouvante, et plusieurs fois nous avons pensé abandonner pour recommencer cette terminale dans un lycée français. Finalement l’élève a tenu le coup (mais à quel prix !) et les résultats du bac ont étés bons, mais si c’était à refaire nous ferions le choix de la scolariser dans un lycée classique.
- Conclusion sur le Cned : certes suivre une scolarité à bord impose beaucoup de contraintes, certaines inhérentes au nomadisme, d’autres inhérentes au mode de fonctionnement du Cned, bien qu’il semble évoluer dans le bon sens. Mais ces contraintes sont le prix à payer pour que parents et enfants puissent profiter ensemble des joies et des découvertes du voyage.
Le jeu en vaut largement la chandelle et rappelons que malgré ses défauts le Cned a le grand mérite d’exister et d’être peu cher. Sa formation est d’un niveau plus élevé que la plupart des établissements classiques et la reprise d’une scolarité normale après un cursus au Cned ne pose aucun problème, au contraire. D’ailleurs les autres équipages francophones nous envient ce système d’enseignement à distance.
À ceux qui hésitent encore, je dirais allez-y ! N’attendez pas la retraite ou que vos enfants soient casés si vous pouvez partir maintenant. Mais partez après une concertation générale, en ayant mûri votre choix ensemble. Il faut que les enfants soient au moins aussi volontaires pour le départ que vous.
Malgré tout, laissez-vous une porte de sortie. Prévoyez de rentrer à terre si cela se passe mal pour l’un ou l’autre, faites régulièrement un bilan, soyez à l’écoute de leurs aspirations et essayez d’y coller au plus près. Le bilan final sera largement positif.
Car les enfants voyageurs sont en général plus ouverts, plus tolérants et plus riches des connaissances acquises lors de ces voyages. Ce sont des enfants du monde.
liens utiles :
CNED
Courrier du voyageur
AEFE
liste des établissements français à l’étranger