Comment ça marche ? Un peu de théorie :
Le problème de la vision de nuit en navigation, en pratique :
En navigation, il faut pouvoir voir les obstacles et le gréement, mais on doit aussi pouvoir distinguer des éléments plus petits : cap au compas, carte…
Le problème est que la vision nocturne ne perçoit pas les couleurs : la nuit tous les chats sont gris… et sa définition beaucoup plus faible que la vision de jour : un œil présentant une acuité visuelle de 10/10 le jour verra au mieux la nuit avec une acuité de 1/10, voire moins : impossible de voir distinctement de petits objets dans ces conditions.
- La fausse solution :
Au début des études sur ces phénomènes, dans les années 1920, on a mis en évidence la moindre sensibilité des bâtonnets au rouge et, par similitude avec les pellicules photographiques « noir et blanc » de l’époque, émis l’idée que la lumière rouge ne dégradait pas la vision nocturne.
Cette théorie a été à l’origine de l’utilisation d’un éclairage rouge pour faciliter et maintenir l’adaptation à l’obscurité.
Cette solution était valable pour les avions de l’époque, qui se pilotaient « aux fesses », sans lecture d’instruments.
Elle a commencé à trouver ses limites pendant la seconde guerre mondiale avec les bombardements de nuit qui exigeaient le vol aux instruments.
En effet, pour pouvoir lire les instruments, il est nécessaire de faire appel aux cônes qui permettent d’avoir une définition visuelle suffisante. Par ailleurs le centre de la rétine où l’acuité est maximale, est composé exclusivement de cônes, d’où un « trou noir » en vision nocturne.
Il faudra donc apporter suffisamment de lumière pour que les cônes distinguent les objets. On voit sur la figure 2 qu’il faudra augmenter considérablement l’intensité de la lumière rouge, du fait de la sensibilité diminuée dans le rouge, jusqu’à un niveau environ mille fois plus élevé que si l’éclairage était vert (ou en lumière blanche). Ceci amène à une dégradation importante de la vitesse d’adaptation à l’obscurité. Un inconvénient supplémentaire est l’impossibilité de voir les annotations rouges sur les cartes.
Ceci a amené à préférer un éclairage blanc très faible pour les cockpits des avions militaires, obtenu d’abord par des instruments avec graduations et aiguilles fluorescentes et des lampes UV, donnant une image blanc verdâtre. Cette solution s’est maintenue jusqu’à la fin des tableaux de bords analogiques et est celle que j’ai connue du Fouga Magister au Mirage III… Le passage au tableau de bord à écrans numériques a ensuite permis une optimisation encore plus fine de la lisibilité.
Curieusement, l’aviation commerciale et les marins sont longtemps restés fidèles au rouge…
- La bonne solution :
La solution de l’éclairage vert se répand peu à peu malgré la routine.
Un élément nouveau est l’apparition de LED vertes permettant de réaliser simplement un éclairage adapté.
Trois exemples : en aéronautique : le tableau de bord de l’Hercules C 130 H, dernier avion de sa famille à instrumentation analogique, en marine l’éclairage du radier d’un des derniers transports de chalands de débarquement, et le fabricant américain de compas Ritchie qui est passé au vert pour l’éclairage de ses compas.
Nota : cet article est largement basé sur le rapport USAF AL-SR-1992-002 « Night Vision Manual » des médecins-colonels Miller et Tredici, en essayant de simplifier sans trop trahir….